À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Titan - 19
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
133
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782890376304
Support
Papier
Illustration
Frédéric Eibner

Résumé/Sommaire

Dans un futur relativement proche, sans doute le début des années 2000, l’avocate Jocelyne Delage, spécialisée dans les litiges du monde des arts, n’est pas très heureuse de recevoir la visite d’Édith Prévost, artiste de quarante ans à la retraite qui a connu un énorme succès dans sa jeunesse pour ses créations-performances provocantes. Celle-ci éveille pourtant son intérêt en lui présentant un appareil, le duplicateur Hauptmann, capable de copier dans les moindres détails n’importe quel objet – la seule différence par rapport à l’original étant le matériau, du synthex.

L’avocate est encore plus intriguée lorsqu’Édith Prévost lui apprend que, moyennant une somme considérable, elle a accepté le défi de l’émir Naim Ben Chedli : produire une œuvre que le duplicateur ne pourrait pas copier ; c’est dans son intérêt, car alors le prix de vente de l’œuvre deviendra astronomique. Or cette œuvre a été volée et remplacée par une copie ! Il n’existe que trois duplicateurs au monde, deux entre les mains de l’inventeur, et l’autre chez l’émir. L’artiste accuse l’émir, qui se défend avec acharnement. L’enquête de l’avocate révèle plusieurs éléments importants, mais sans résoudre l’énigme : Édith Prévost, fumeuse invétérée, se meurt d’un cancer incurable du poumon (il ne lui en reste qu’un), et son œuvre ultime est justement un poumon cancéreux. Le duplicateur dernier modèle en fonction en Allemagne est bien trop gros pour être déplacé, demande une énergie considérable et surtout, il duplique très lentement même de minuscules objets. Enfin, Nature morte – c’est le titre de l’œuvre – est condamnée à se désagréger entre les mains de ses voleurs car la durée de vie du matériau vivant est limitée.

Très mal en point, Édith Prévost demande qu’on avance le procès qui a lieu à huis clos et à l’amiable. L’avocat adverse semble l’emporter en accusant l’artiste d’avoir elle-même volé son œuvre pour faire monter les enchères ; il estime en tenir la preuve dans tous les fragments proposés par le public en réponse à l’avis de recherche de Nature morte, tous certifiés authentiques par les ordinateurs de la Banque internationale des arts. Mais au dernier moment, en faisant analyser le sang de l’artiste, Jocelyne Delage découvre la vérité : on a trafiqué les ordinateurs évaluateurs afin de leur faire afficher « authentique » pour le synthex et « faux » pour la véritable pièce. En réalité, c’est bel et bien l’émir qui a volé l’œuvre.

Le défi lancé au duplicateur aura lieu et l’émir remportera son pari (d’après l’inventeur, il s’agissait surtout d’un truc publicitaire pour l’appareil), mais Édith ne connaîtra pas le résultat de la confrontation car elle meurt quelques jours avant. Sa dernière entrevue publique affirme qu’elle se moque des gains énormes qu’elle fera à cette occasion, puisqu’elle va mourir, mais qu’elle espère alerter les gens aux dangers de la cigarette. Ultime pirouette ou vérité ?

Commentaires

Ce texte produit au cours d’un atelier d’écriture et publié dans Aurores boréales 2, en 1985, était à l’origine une nouvelle ; transformé en novella, il est devenu un roman pour jeunes – cela laisserait-il supposer une évolution du lectorat de la SF au Québec vers encore plus de maturité ? Ce bref roman de science-fiction devenu quasi contemporain pour des lecteurs actuels présente des personnages bien campés, un arrière-monde futur évoqué par de petites touches habiles, dans une intrigue policière complexe mais rondement menée, même si les roulettes grincent à la finale : les manœuvres compliquées des divers intervenants y deviennent en effet un peu confuses.

Copie carbone souffre par ailleurs légèrement du syndrome du Message : une petite postface de l’auteur convie les jeunes lecteurs à le contacter à propos des ravages du tabac. Ce paratexte a quelque peu gâté ma lecture – le cancer de l’artiste aurait pu être d’une autre sorte sans rien retirer à l’intrigue, au contraire même. Sa nature n’était pas précisée dans la première version : on pouvait alors y lire, si on le désirait, une excellente métaphore de l’effet des médias sur l’art et la culture en général – encore plus d’actualité aujourd’hui. Par ailleurs, l’évolution psychologique de l’artiste en question, enfant terrible de l’art moderne au début, en perd un peu de sa vraisemblance : cette cynique artiste anti-establishment veut maintenant faire œuvre moralement utile et pédagogique ?

Le texte laisse planer la possibilité d’une machination de l’artiste derrière l’intrigue principale, ce qui, au second degré, pourrait laisser penser que sa tirade finale est une ultime pirouette, mais la postface vient détruire cette lecture. On peut cependant en faire abstraction et apprécier l’énigme policière, et la réflexion toujours pertinente sur la nature de l’institution artistique et la valeur des œuvres d’art. Enfin, la relecture de la première version publiée du texte permet d’apprécier l’excellent travail de réécriture pour l’adaptation à un public plus jeune, et la remarquable prescience de l’auteur (laquelle ne peut évidemment être établie que rétrospectivement !) : son synthétiseur 3D existe aujourd’hui – et les enchères par ordinateur aussi : cela s’appelle eBay. [ÉV]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 142-143.

Prix et mentions

Le Signet d'or 1993

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 26.
  • Desroches, Gisèle, Le Devoir, 13/14-03-1993, p. D 3.
  • Dupuis, Simon, Lurelu, vol. 17, n˚ 1, p. 5-12.
  • Higdon, Pascale, imagine… 65, p. 99-100.
  • Lacroix, Pierre, Temps Tôt 29, p. 35-36.
  • Martel, Julie, Samizdat 24, p. 33.
  • Martel, Julie, Solaris 105, p. 45.
  • Martel, Julie, Lurelu, vol. 17, n˚ 2, p. 50-53.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 16, n˚ 2, p. 18.