À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
La pleine lune
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
145
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Depuis plusieurs siècles, un coquillage grand comme une maison brille sur une île accessible à gué à marée basse, en face du village de Vanir Voidivane. Les touristes viennent visiter cette étrange construction mais ignorent tout des événements qui se sont produits là au cours des trente dernières années. Xunmil et François Drexel, qui contemplent le coquillage de la rive, savent, eux, le drame qui s’y est joué. Ils ont même été des acteurs et ils se souviennent du passé.

À cette époque, le coquillage était habité par celui qui l’avait patiemment secrété, le monstre nautile. Celui-ci, voulant assurer sa descendance et se perpétuer, cherchait à établir le contact avec les humains. Quelques rencontres avec des vagabonds de passage étaient restées sans lendemain.

Un jour, Thrassl, un citadin de Clindis, aboutit au coquillage par hasard et est frappé par la beauté de la nacre et l’étrangeté du lieu. Bientôt, Thrassl ne vit plus que pour retourner plus souvent au coquillage et pour s’y installer en permanence. Il est surtout fasciné par le nautile qui lui procure des extases et un sentiment de plénitude qu’aucune femme ou être humain ne lui avait fait connaître jusqu’à maintenant. Il finit par s’installer en permanence dans le coquillage qu’il transforme pour le rendre habitable avec l’aide d’Irène Drexel et Vincent, un couple d’amis qui partagent sa marginalité et son nouveau logis.

Thrassl entretient une relation très particulière avec le nautile. Il a honte de sa passion pour le monstre mais il est subjugué en même temps par sa douceur, par sa sollicitude. Avec le temps, il s’abandonne complètement au nautile et accepte de porter sa progéniture. Thrassl grossit, devient impotent tant son ventre est immense et flasque. Ses forces diminuent même si le nautile supplée à ses fonctions biologiques et vitales. Thrassl rend à terme les deux rejetons de son amant et meurt. Alors, le monstre quitte le coquillage en emportant le corps de Thrassl, de même qu’Irène et Vincent, et rentre dans son pays en haute mer.

Depuis ce temps, le coquillage est désert. Xunmil et François espèrent le retour du nautile car ils ressentent son départ comme un vide dans leur existence. François est le fils de Thrassl et d’Irène. Il a vécu des moments heureux dans le coquillage grâce surtout à la complicité qu’il avait developpée avec le monstre. À dix-huit ans, son père l’avait cependant chassé par jalousie et François n’avait plus revu le nautile. Quant à Xunmil, elle avait été engagée par Thrassl pour aider Irène à entretenir la maison. Xunmil était devenue l’amante de Thrassl, poussée par un irrésistible besoin de soulager sa souffrance. C’est ce même besoin qui, aujourd’hui, l’incite à suivre François même si elle sait qu’elle n’a rien à attendre de lui en retour de son amour.

Leur souhait est finalement exaucé. Le monstre a entendu leurs suppliques et il revient les chercher pour les amener dans son pays marin.

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Commentaires

Étonnante Esther Rochon ! Après une œuvre épique comme L’Épuisement du soleil qui traçait le portrait d’une collectivité ayant perdu confiance en elle-même, elle nous propose avec Coquillage une œuvre intimiste, centrée sur le destin de quelques personnages. C’est un peu comme si après avoir voulu changer le monde, elle avait compris qu’il fallait d’abord se changer soi-même. Ce que font d’ailleurs les personnages de Coquillage, à commencer par Thrassl qui, de comptable bourgeois et conformiste, se transforme en amant passionné et accepte de voir son corps se déformer par amour pour le nautile.

Transformation physique et morale chez Thrassl, mais aussi chez Xunmil qui perd le pied droit et qui se réconcilie avec le nautile car elle était jalouse de l’intérêt que Thrassl lui portait et le tenait responsable de la maladie de son amant.

Ce retour à l’individu dans l’œuvre d’Esther Rochon semble coïncider parfaitement avec ce qu’on peut observer présentement dans la société québécoise, soit un désintéressement pour la politique et la mise au rancart des grandes visions qui seraient susceptibles de mobiliser l’ensemble de la collectivité et de ranimer l’idée de nation ou de peuple – et que montre avec beaucoup de lucidité le film de Denys Arcand, Le Déclin de l’empire américain.

L’itinéraire personnel de Xunmil et de François laisse présager celui que devrait emprunter le Québécois. Ils vont acquérir au contact du nautile une maturité et une sagesse qu’ils n’étaient pas en mesure de recevoir auparavant et après, ils reviendront dans la ville de Clindis, mieux armés pour répandre cette nouvelle vision du monde et de la société. C’est donc dire qu’Esther Rochon s’intéresse ici plus particulièrement aux relations complexes que les êtres entretiennent entre eux tandis que le social, même s’il n’est pas complètement délaissé, sollicite moins l’attention de l’auteure.

Il y a dans chaque couple qui se forme au gré des circonstances à la fois une fascination et un dégoût pour l’autre, un mélange de sentiments contradictoires. Car, il faut le dire, le thème principal de Coquillage est bien l’amour, dont Esther Rochon explore toutes les facettes. Il y a d’abord l’amour-passion de Thrassl pour le nautile, l’amour de Xunmil pour Thrassl, puis pour François, considéré comme une vocation pour soulager la souffrance d’autrui, l’amour maternel d’Irène pour son fils, l’amour conjugal du couple Irène/Vincent qui ressemble plutôt à l’amitié.

L’auteure décrit avec beaucoup de finesse ce réseau d’échanges amoureux et ne craint pas d’aborder franchement la sexualité, ce qui ne manque pas de surprendre. Jusqu’ici, Esther Rochon avait été très discrète sur ce sujet et rien ne laissait prévoir qu’elle puisse faire preuve d’autant d’audace. Mais la description des ébats de Thrassl et du nautile n’ont rien de la vulgarité pornographique, même si rien ne nous est épargné. C’est que la prose lyrique et somptueuse de l’auteure confère à ces scènes une véritable grâce poétique et constitue une magnifique célébration du corps.

Coquillage est en effet cela aussi, une célébration du corps, qui rattache ce roman à toute une littérature du corps privilégiée par bon nombre de femmes écrivains. Ce n’est donc pas un hasard si les éditions de La pleine lune, vouées à la diffusion de cette littérature, ont publié le roman d’Esther Rochon. Il faut voir avec quelle précision elle décrit le corps difforme de Thrassl en plusieurs occasions tout en réussissant à en faire voir la beauté. Elle en vient à abolir pratiquement la notion de laideur et de monstruosité de la même façon que chez une femme enceinte, on voit au-delà de la difformité du corps la beauté et la noblesse du don de la vie. Et c’est d’ailleurs d’une grossesse qu’il s’agit dans le cas de Thrassl qui éprouve tous les symptômes d’une femme enceinte, dont les nausées. Il est remarquable que la grossesse d’Irène soit complètement occultée alors que la maladie de Thrassl est décrite avec force détails. Pudeur de l’auteure qui a voulu brouiller les pistes autobiographiques mais qui n’a pu résister à la tentation de puiser dans ses souvenirs pour dépeindre Irène élevant son jeune fils.

Si l’attention de l’auteure se porte autant sur le corps, c’est qu’il représente d’abord ce par quoi on se fait une idée de l’autre. La nature du nautile, qui n’a rien de l’apparence humanoïde, nous introduit donc plus facilement à l’altérité véritable. Cet être capable de changer de forme rappelle par son intelligence et sa douceur les Voulques de « Au fond des yeux ». Il se présente comme un modèle de sagesse au contact duquel les êtres humains, une fois qu’ils ont accepté son enseignement, acquièrent une sérénité qui ne peut être que contagieuse. Le fondement de sa sagesse est le suivant : « Le titre de monstre nous convient bien à cet égard : à la différence des autres, nous ne craignons pas de nous mêler, de perdre momentanément notre identité » (p. 45). C’est là le message philosophique de l’auteure, qu’on peut aussi transposer sur le plan politique, qui correspond dans une certaine mesure à l’état d’esprit de la société québécoise actuelle, à mon avis.

C’est sans doute pourquoi Coquillage nous parle tant aujourd’hui : il traduit la sensibilité du jour. Aussi, les personnages de ce roman tranchent avec ceux de L’Épuisement du soleil, qui étaient écrasés par une sorte de fatalisme démobilisateur. Leur résignation, qui pouvait être agaçante à la longue parce qu’elle ne remuait plus aucun sentiment de révolte, a fait place à une détermination nouvelle orientée vers la recherche de l’harmonie intérieure, de la sérénité. Après l’échec de l’utopie collective, il n’est pas dit que l’utopie individuelle n’est pas possible.

Coquillage est un roman très physique en apparence, qui cache néanmoins une réflexion philosophique sur la réalisation encore embryonnaire d’un nouveau projet de société. Au point de départ, Xunmil et Thrassl appartiennent à la lignée des personnages de Marie-Claire Blais, personnages déchirés par leur mal de vivre, mais à la différence de ceux-ci, ils réconcilient leur être profond en choisissant la renaissance plutôt que la mort. C’est peut-être une simple question de foi qui sépare les deux romancières. La position et le statut d’écrivain d’Esther Rochon ne sont pas moins estimables. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 117-120.

Prix et mentions

Prix Boréal 1987 (Meilleur livre)

Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1987

Références

  • Henighan, Stephen, The Gazette, 29-06-1991, p. J 3.
  • Ketterer, David, Science Fiction Studies 56, p. 17-19.
  • Le Brun, Claire, imagine… 35, p. 118-119.
  • Moinaut, José, Magie rouge 16, p. 57-58.
  • Nicot, Stéphane, Gai pied hebdo 223, p. 39.
  • Sernine, Daniel, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VII, p. 172-174.
  • Sévigny, Marc, Solaris 69, p. 14-15.
  • Thomas, Pascal, Locus 311, p. 17.
  • Vanina, Suzanne, Magie rouge 16, p. 57-58.