À propos de cette édition

Éditeur
L'instant même
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Revers
Pagination
131-143
Lieu
Québec
Année de parution
1998

Résumé/Sommaire

Quel est ce corps étranger qui circule dans les neurones du narrateur ? Un virus ? Et comment se fait-il que sa mémoire lui présente trois souvenirs d’expériences qu’il ne peut avoir vécues ? Il va analyser ces trois souvenirs qui sont peut-être induits par le corps étranger et en arriver à une conclusion stupéfiante : il a lui-même produit ce mécanisme de défense pour assurer sa survie.

Commentaires

Fascinant texte que cette autoanalyse d’une intelligence artificielle qui jongle avec toutes sortes de réflexions pour élucider son comportement et qui fait montre d’une logique admirable. « Corps étranger » est un récit difficile au premier abord mais quand il se livre enfin, le lecteur est récompensé de sa patience.

Le texte est froid, cérébral, comme il convient à un ordinateur (catégorie de mémoire classée X) qui analyse rationnellement les changements qui se produisent dans son système. Les sentiments comme la jalousie sont analysés avec une distanciation de rigueur. « Même si le souvenir n’établit pas de rapport explicite entre l’impulsion de la fille et la perception tactile et gustative des sécrétions de la langue, l’un et l’autre renvoient probablement à une seule et même provocation. »

Et ce qu’on découvre est stupéfiant : cet ordinateur fonctionne comme un organisme vivant. Il a produit un corps étranger (l’équivalent d’une molécule ou d’une cellule) qui va l’aider à résoudre son problème de prolifération des données. On assiste en effet à une étonnante opération de survie de la part d’un ordinateur qui sent qu’il va bientôt être dépassé par la tâche de mémoriser les données fournies par l’Institution s’il ne prend pas des mesures concrètes pour solutionner le problème. Il crée un trou de mémoire, un noyau de résistance qui absorbe « tous les éléments qui n’entrent pas dans les mémoires classées X ».

Marie-Pascale Huglo est à la science-fiction ce que Claude-Emmanuelle Yance est au fantastique. Les deux auteures privilégient une approche métaphysique du sujet. Le ton clinique de l’analyse est ici remarquable comme on a pu le constater dans l’extrait cité plus haut.

Comme si cela ne suffisait pas, « Corps étranger » peut aussi se lire à un autre niveau. Et si cette mémoire artificielle avait inventé de toutes pièces cette belle théorie pour excuser le fléchissement de sa fiabilité et pour éviter qu’elle ne soit déconnectée par l’Institution ? Si ce rapport d’une logique apparemment inattaquable n’était que pur délire de la part d’un ordinateur en voie de désuétude ? Cette hypothèse séduisante ouvre de nouvelles avenues de lecture.

Oui, Marie-Pascale Huglo nous offre là une nouvelle brillante qui la place aux côtés d’Élisabeth Vonarburg dans le versant métaphysique de son œuvre. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 92.