À propos de cette édition

Éditeur
La Parole
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Ferme, vol. XXIX, n˚ 9
Pagination
38 ; 41
Lieu
Drummondville
Année de parution
1968

Résumé/Sommaire

Un cultivateur est interrompu, en plein labourage de son champ, par un épais brouillard qui vient d’abord masquer le soleil avant de tout envelopper dans une ouate oppressante. Quand il décide de rentrer à la ferme, son tracteur refuse de démarrer, la mécanique ne répond plus. En descendant du tracteur, son pied s’enfonce dans un sol qui devient de plus en plus boueux. Enfin, stupeur finale, tout ce qui vit se transforme en couleuvres de tailles et d’espèces diverses, jusqu’au cultivateur lui-même…

Commentaires

Cette courte nouvelle raconte la victoire du serpent, ou plutôt, de la couleuvre sur le monde. Le thème de la transformation globale a souvent été exploité. Qu’on se rappelle, parmi bien d’autres, « L’Homme illuminé » de J. G. Ballard, où la cristallisation de la matière se répand comme une contagion. Jeanne Morin invente un monde où le règne du vivant, toute la faune et la flore se transforment en une prolifération de couleuvres. Pareil texte se prête spontanément à plusieurs lectures : symbolique, psychanalytique, structurale, etc., certains affirmeront qu’il s’agit de fantastique, d’autres soutiendront que c’est plutôt de la SF.

Au jeu des étiquettes, le motif du reptile porte une lourde charge symbolique, cependant que le traitement du sujet rapproche cette nouvelle du fantastique : aucune tentative d’explication du phénomène, ni par des causes surnaturelles, malgré le titre, ni par des élucubrations pseudo-scientifiques. Quant aux aspects matériel, linguistique et narratif du texte, ils témoignent de la compétence de l’auteure : elle écrit dans une langue précise, simple et directe. Elle construit une progression dramatique convaincante sans trébucher, en évitant les pièges-à-débutants. Elle prépare une bonne chute, qui ne surprendra pas le lecteur d’aujourd’hui, certes, mais qui nous entraîne là où il fallait aller.

Rappelons, de plus, qu’on lit une nouvelle publiée dans la revue La Ferme dont le lectorat se recrutait à la campagne, auprès des agriculteurs et de leur famille d’abord, et même auprès des bourgeois et des notables. Voilà qui conditionne autant le choix du sujet que son traitement. Aussi, Jeanne Morin raconte son histoire en empruntant le point de vue d’un cultivateur, même si elle ne concède à cet élément qu’un rôle accessoire. L’important, c’est que le lecteur se prenne à son jeu sans jamais avoir eu à labourer des champs. [RG]

  • Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 139-140.