À propos de cette édition

Éditeur
Barré & Dayez
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Guerre future
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
295
Lieu
Paris
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Marc Duchesne se promène dans la forêt de Valcartier quand tout à coup, il est transporté à bord d’un vaisseau spatial. Il y apprend que ceux qui l’ont enlevé, les Iraliens, l’observent depuis douze ans et qu’ils l’ont choisi pour devenir leur ambassadeur sur la Terre. Ils veulent en effet entrer en contact avec les dirigeants terriens afin de négocier l’achat de gise­ments d’agravium, une ressource naturelle enfouie dans le sous-sol du Québec, des États-Unis et du Brésil plus précisément. Ce précieux cristal est primordial à l’éco­nomie de la société d’Iral qui a appris à l’utiliser pour canaliser les ondes de gravité, révolutionnant ainsi plusieurs sec­teurs de la société comme les moyens de transport.

Toutefois, les Iraliens ne sont pas les seuls à s’intéresser à cette ressour­ce. Les Vitrans ont découvert les riches gisements et entendent en faire l’exploitation sans l’accord des autorités terriennes. Ce faisant, ils violent une des lois de l’Intipan, la Fédération des Mondes Unis pour la Paix Éter­nelle à laquelle appartiennent Iral et Vitra. Les Vitrans vont tout mettre en œuvre pour faire échouer les efforts de négociation entre les Iraliens et les dirigeants terriens. La rivalité entre les deux peuples extraterrestres dégé­nérera en guerre ouverte et aura des conséquences dramatiques sur la sécurité de l’Amérique du Nord. Il faudra l’intervention du Conseil Supé­rieur de l’Intipan pour mettre fin au conflit et arbitrer le différend.

Mais avant que les Iraliens puissent espérer revenir sur la Terre pour reprendre les pourparlers, il se sera écoulé au moins un demi-siècle. Marc doit choisir : accompagner les Iraliens et ne plus revoir les siens ou revenir sur la Terre, après une opération qui l’empêchera de retrouver le niveau de connaissance qu’il a acquis grâce à la technologie iralienne, notamment la transmission d’ondes cérébrales. Quelle décision prendra Marc Duchesne ?

Commentaires

Il est sans doute légitime de vouloir réaliser ses rêves. Pour Pierre Pouliot, publier un roman de science-fiction en était un. Il a travaillé à ce projet pendant plusieurs années, l’a soumis à différents éditeurs et voilà que son rêve s’est réalisé. Le Croissant de cristal a paru en France (s’il vous plaît), chez un obscur éditeur, Barré & Dayez. Malheureusement, la satisfaction de l’auteur risque d’être beaucoup plus grande que celle du lecteur. Il s’agit probablement du roman de SFQ le plus mal écrit qu’il m’ait été donné de lire. Il y a au moins trois fautes d’orthographe en moyenne par page et l’auteur manque de la plus élémentaire connaissance de la syntaxe française. Pouliot a la fâcheuse manie de mettre partout des virgules devant les verbes. On se demande aussi quelle logique il utilise pour mettre en italiques certaines réflexions intimes de Marc et d’autres pas. Il y a un manque de rigueur et de la part de l’éditeur et de la part de l’auteur.

Ce roman de Pouliot ressemble, sous certains aspects, à un roman de Jean-François Somcynsky. La feuille de route des deux auteurs n’est pas sans similitude d’ailleurs. L’un et l’autre ont beaucoup voyagé et ils con­naissent le milieu diplomatique où ils ont servi ou continuent de travailler. Cette expérience colore d’un certain exotisme les aventures qu’ils décrivent dans leurs romans mais nous vaut aussi des observations fastidieuses sur le protocole diplomatique. La différence majeure se situe dans l’écriture. Somcynsky écrit avec facilité et naturel tandis que Pouliot s’escrime avec les mots, se bat avec la syntaxe. Un vrai plombier de l’écriture ! Il semble cependant en être conscient car il se borne généralement à décrire les diverses péripéties qui pimentent la mission de Marc Duchesne et de ses amis iraliens.

Les scènes d’action comme la libération de Marc et de Trolank pri­sonniers des Vitrans au Lac-à-la-Tortue sont toutefois pénibles. Elles manquent de rythme et s’étirent indéfiniment, l’auteur se croyant obligé de décrire les moindres manœuvres. L’ellipse, connaît pas ! Ce n’est guère mieux quand Pouliot affiche des prétentions poétiques. Dans la seule scène d’amour du roman, il se couvre de ridicule en tentant d’exprimer ce que ressent son personnage masculin : « L’obus devint une langue de feu que les goutelettes (sic) semblaient attiser plutôt qu’éteindre. Le feu s’aviva, devint de plus en plus dévorant, la langue s’affina comme une épée, une blanche épée de feu. Et c’est alors que les roses parois du puits, commencèrent à se gonfler et à venir avec régularité, avec l’irrévocabilité des vagues, se fendre sur l’épée de feu. » Wow ! On s’ennuie de Somcynsky et même de La Planète amoureuse !

Le récit, par ailleurs, n’est pas mauvais même s’il n’a rien d’original. Des rivalités entre deux peuples extraterrestres, on en a déjà vu au cinéma et à la télé. Ce qui est louable, c’est le souci de Pierre Pouliot d’éviter le piège du manichéisme. Certes, le lecteur ne peut faire autrement que d’avoir un parti pris pour les Iraliens parce que la narration s’attache prio­ritairement aux faits et gestes de Marc Duchesne qui épouse la cause des Iraliens. Les Vitrans apparaissent plus belliqueux et, en exploitant en Amazonie un gisement d’agravium à l’insu du gouvernement brésilien, ils enfreignent une loi de l’Intipan. Ils ont choisi la ruse et la fourberie alors que les Iraliens ont opté pour la voie diplomatique. Mais ils ont aussi quelques arguments en leur faveur. La Terre appartient à leur sphère d’in­fluence et ils détiennent en quelque sorte un droit de "premiers occupants". En outre, ils sont défavorisés par une apparence physique répugnante, de nature à entretenir la peur primitive du Terrien à l’égard des autres formes de vie, ce qui oblige les Vitrans à se déguiser. Une narration alternant les points de vue iralien et vitran aurait sans doute permis une analyse plus nuancée de la situation.

On voit aussi que Pouliot cherche à exploiter l’exotisme en déplaçant l’action entre trois pôles : le Québec, les États-Unis et le Brésil. Pourtant, l’intrigue amazonienne, que l’auteur distille au compte-gouttes à travers le roman, manque de densité et ne fait pas avancer l’action. Elle apparaît tout simplement plaquée sur l’ensemble et utilisée comme un ingrédient indis­pensable qui entre dans la recette des best-sellers. L’auteur avait aussi à traiter une grande masse d’informations sur le fonctionnement des Mondes de l’Intipan et sur les propriétés du Triangle du Temps. Paler, le comman­dant du vaisseau iralien, se charge de récapituler l’histoire de l’Intipan dans un monologue de dix pages (p. 177-186) entrecoupé de deux petites répliques de Marc !

Si j’ai tant insisté sur le récit, c’est que ses défauts de structure, la faiblesse de sa ressource première (les mots) et la pauvreté de l’écriture sont à ce point graves que toute autre considération ne peut être que reléguée au second plan. Or, en ce qui concerne les idées, Pierre Pouliot en a peu. Le message qu’il livre tout au long de son roman se résume en gros à ceci : L’homme est un être primitif et peu évolué en regard de la somme des connaissances qu’il pourra acquérir et des potentialités qui lui seront offertes quand il aura appris à maîtriser son cerveau. L’homme doit apprendre à surmonter ses peurs, à développer un sentiment de solidarité et de fraternité qui l’éveillera à la conscience universelle. Quand il sera prêt à partager équitablement ses richesses et à épouser une cause commune, le Terrien pourra alors entreprendre une autre étape de son évolution. C’est tout un programme et ce n’est pas demain la veille…

Pierre Pouliot en est bien conscient. Il ne se berce pas d’illusions… comme il devrait aussi ne pas se faire d’illusions sur la qualité de son roman. Les révélations du Triangle du Temps sur l’avenir de la Terre sont finalement décevantes. Il me semble que l’auteur lui accorde beaucoup d’importance pour l’utilité qu’il a, l’entourant d’un parfum d’ésotérisme. Les Iraliens le consultent continuellement pour la conduite des affaires de l’État, y trouvant une sagesse qui leur est nécessaire. C’est un ersatz de la Bible pour les Mondes de l’Intipan. Il provient de l’Alvéole de Vérité qui s’est subdivisée en dix-huit triangles pyramidaux au cours d’une cérémonie qui rappelle la Pentecôte, quand les langues de feu se posèrent sur la tête des apôtres réunis.

Le discours contenu dans Le Croissant de cristal, s’il est toujours d’actualité, n’est pas neuf et aurait eu besoin du support d’autres idées pour justifier une si longue démonstration. La sincérité des intentions n’est pas suffisante en littérature et ne pallie pas au manque de talent. Il y a des rêves qu’il vaut mieux ne pas réaliser. Ils sont plus beaux en imagination et tant qu’ils demeurent dans la tête de leur concepteur, ils n’ont pas de comptes à rendre. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 171-173.