À propos de cette édition

Éditeur
L'Œil
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Œil, vol. III, n˚ 11
Pagination
29
Lieu
Montréal
Date de parution
15 juin 1943

Résumé/Sommaire

Un brave curé de campagne se désole de l’indifférence de ses paroissiens qui préfèrent dépenser leur argent à l’hôtel plutôt que de contribuer financièrement à la construction de son église. Quand Jack, le propriétaire de l’hôtel, offre de l’argent au curé pour mener à bien son projet en échange de la permission d’épouser la première créature qui gravira les marches de l’église, celui-ci accepte le marché.

Commentaires

Des églises construites avec l’aide du diable qui a pris la forme d’un cheval rétif mais infatigable, il y en a dans toutes les régions du Québec si on se fie à la tradition orale. Des églises construites avec l’aide d’un cochon, c’est beaucoup plus rare. Il faut préciser toutefois, dans le cas présent, que le cochon, contrairement au cheval, ne met pas l’épaule à la roue. Il sert tout simplement de monnaie d’échange dans le subterfuge imaginé par le curé pour enfirouaper le diable et ne pas avoir à sacrifier l’âme d’une paroissienne pour honorer son pacte avec Satan. Le curé, roublard, joue sur le sens du mot « créature » qui désigne familièrement les femmes à cette époque pour faire gravir les marches de son église par son cochon. Pareille entourloupette est utilisée dans certains textes racontant la construction du pont de Québec, la première créature à franchir le tablier du pont étant généralement un chat.

Dans le conte d’Henri Tellier, le mal est introduit dans la paroisse par un étranger venu ouvrir un débit de boissons. C’est l’image classique du diable qui se présente sous les traits d’un beau jeune homme qui plaît à toutes les femmes. Toutefois, contrairement aux Rose Latulippe de ce monde, aucune n’est prête à l’épouser, ce qui amène Jack à proposer un pacte à l’homme d’église. L’argent du diable est en fait celui des paroissiens qui dépensent leurs économies à l’hôtel. C’est probablement ce que se dit le curé pour apaiser sa conscience car il n’a aucun scrupule à accepter l’argent du diable. L’argent n’a pas d’odeur !

Comme toujours, le diable se fait rouler dans la farine par un curé ratoureux. Constatant sa défaite, il disparaît dans un éclair en emportant le petit cochon rose. L’écriture de Tellier est élégante et allègre et le ton qu’il emprunte n’est pas moralisateur comme c’est trop souvent le cas dans ce type d’histoires. Le curé déplore l’infidélité de ses paroissiens mais ne les accable pas de reproches. Bref, on prend plaisir à lire ce texte. [CJ]