À propos de cette édition

Éditeur
L'Hexagone
Titre et numéro de la collection
Fictions - 21
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
132
Lieu
Montréal
Année de parution
1988

Résumé/Sommaire

Montauban-les-Mines, petite localité minière, connaît la misère : son gisement de cuivre se tarit et le feu ravage la mine. Les habitants rejettent alors la responsabilité de ces événements sur Marie-Madeleine, une mysté­rieuse femme qui vit à l’écart du village. Depuis son arrivée, plusieurs phénomènes inexplicables se sont produits : l’eau du lac est devenue trouble après qu’elle s’y soit baignée et les enfants qui s’y sont aventurés ensuite ont attrapé d’étranges maladies de peau ; le chef d’équipe de la mine est tombé dans une profonde excavation après qu’elle l’eût fixé un court instant ; une nuit, les cloches de l’église ont sonné pendant une heure sans raison, etc.

Les habitants, animés d’un désir de vengeance, ne peuvent cependant assouvir leur colère puisque, le jour de l’incendie, Marie-Madeleine dispa­raît. Plusieurs années passent quand survient une femme lui ressemblant étrangement. Une crainte superstitieuse saisit à nouveau les habitants qui demandent, en vain, l’expulsion de l’étrangère, surnommée par une villa­geoise « la Dame de pique ».

Commentaires

Écrit dans un style élégant, tout empreint de poésie, le roman de Madeleine Gaudreault-Labrecque recrée habilement l’atmosphère propre aux petits villages (solidarité des habitants, importance accordée aux moindres incidents…), de même que les égarements d’une foule obsédée par l’idée d’éliminer la personne désignée comme bouc émissaire. Ainsi, bien que le récit s’inscrive dans le genre fantastique, plusieurs événements relèvent davantage de la simple coïncidence ou encore de la superstition populaire. Si les pouvoirs maléfiques de Marie-Madeleine ne faisaient aucun doute, ceux de la Dame de pique sont plus contestables. Par exemple, la noyade de Magita, une jeune enfant qui se lie d’amitié avec elle, relève du hasard mais de là à l’attribuer aux rapports qu’entretenait la noyée avec la Dame de pique, il n’y a qu’un pas que les villageois franchissent aisément.

La surenchère intervient fréquemment dans le récit. Ainsi, les descrip­tions physiques de la femme faites par les habitants du village sont exagérées par la crainte superstitieuse : ses doigts sont « longs et quasiment recourbés comme des griffes », ses yeux brillent « comme des tisons » et son cri est celui d’une louve. De plus, quelqu’un l’a aperçue « la langue sortie long comme ça, puis les yeux retournés à l’envers », d’autres sentent sa présence même lorsqu’ils sont seuls et nul n’ose plus sortir la nuit. La peur donne des ailes à l’imagination des habitants puisqu’en fait, les seuls événements fantastiques à se produire durant le séjour de la Dame de pique sont la mort mystérieuse de Jasmin Morin qui, après avoir trouvé un morceau de métal brillant et initialé M. M., dépérit et meurt, ainsi que l’apparition de plaques dans le cou de l’épicière après que son chat ait blessé la Dame de pique au cou.

Tout au long du roman, plusieurs indices laissent supposer que Marie-Madeleine et la Dame de pique ne sont qu’une seule et même personne. D’abord leur ressemblance est telle que les villageois envisagent l’hypothèse qu’il ne s’agisse que d’une seule femme ; ensuite, quand Magita l’appelle Marie-Madeleine, la Dame de pique songe : « Comme son nom était tendre entre les lèvres de cette enfant ! Ce nom qu’elle n’avait pas entendu pro­noncer depuis des années, des siècles ! Marie-Madeleine… » S’il s’agit bien de la même personne qui n’a pas vieilli, il aurait été intéressant que l’auteure justifie son retour à Montauban-les-Mines. S’il s’agit de deux personnes distinctes, l’auteure aurait dû rendre plus explicites leurs particularités. Mais d’une façon ou d’une autre, il eût été préférable que le lecteur connaisse la nature du lien unissant Marie-Madeleine à la Dame de pique.

Car si le fantastique gravite autour de cette mystérieuse femme aux pouvoirs maléfiques, l’échec du roman réside dans ce personnage. Cette Dame de pique manque de consistance. D’abord l’ambiguïté quant à son identité, loin de maintenir le suspense, lasse le lecteur ou l’agace désagréablement. De plus, certaines précisions quant aux éléments et aux personnages qui la touchent de près auraient été fort utiles, pour ne pas dire indispensables, à la compréhension de l’intrigue.

A quoi réfère « la cicatrice de son enfance [qui] traversait toujours sa cuisse gauche » ? Quelle est la fonction de la médaille qui tue Jasmin et que la Dame de pique offre à Magita ? Qu’est-ce qui motive l’intervention répétée d’une secte religieuse secrète qui s’acharne à vouloir purifier et exorciser la Dame de pique ? Qu’est-ce qui justifie l’apparition de cette vieille femme qui meurt, disparaît, ressuscite et se fait parfois appeler maman ? Autant d’éléments gratuits, voire absurdes, confèrent au récit une forme des plus incohérentes. [HM]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 74-75.

Références

  • Boulianne, Simon, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 202-203.