À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Contes pour tous - 14
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
160
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782890376489
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Alex reçoit de son père Victor, par l’entremise d’un Africain de passage, un colis mystérieux qu’il déballe fébrilement. Le père d’Alex est médecin sur un navire marchand qui sillonne les mers, d’où ses absences prolongées du foyer familial. La boîte contient un magnifique coffret de bois qui renferme une bonne douzaine de chrysalides sur le point de se transformer en papillons multicolores. Parmi celles-ci, Alex remarque une chrysalide plus grande que les autres qu’il s’empresse de déposer dans un contenant à part. Au bout de quelques jours, les papillons voltigent dans la chambre d’Alex tandis que la chrysalide singulière est devenue une petite fée-papillon que le jeune garçon nomme Ourougou. Alex consulte un vieux savant qui compte parmi ses rares amis, le professeur Rostand, qui lui apprend que la créature fantastique qu’il garde enfermée dans sa chambre est une nymphalepidlo.

Tout absorbé par l’attention qu’il consacre à Ourougou et subjugué par les prodiges de la fée-papillon, Alex néglige la seule amie de son âge, Lucie, à qui il cache son secret. Le jeune garçon évite de plus en plus Lucie qui, par dépit, joint la bande du détestable Vincent qui intimidait et ridiculisait constamment Alex. Celui-ci en veut à Lucie de l’avoir trahi mais, en même temps, il réalise qu’il est incapable de se séparer d’Ourougou qui réclame tout son temps et se fait de plus en plus possessive.

Comment Alex réussira-t-il à se sortir de cette relation malsaine et à retrouver son équilibre affectif ? Un soir de pleine lune, Alex ayant oublié de fermer la fenêtre, Ourougou est attirée par l’astre où se trouve son royaume et retourne vers les siens.

Commentaires

On ne compte plus le nombre d’adaptations de romans au cinéma, au Québec comme ailleurs. On s’entend généralement sur le fait que l’œuvre écrite est toujours supérieure au film. Le phénomène de l’adaptation inverse, la novélisation d’un film, est beaucoup moins courant. En toute logique, l’œuvre cinématographique devrait-elle être supérieure au produit dérivé qui en est tiré ?

Pour les fins de la discussion et pour illustrer le propos, prenons le cas de Danger pleine lune, quatorzième titre de la série des Contes pour tous produite par Roch Demers. Viviane Julien a écrit le roman à partir du scénario du film, dont le réalisateur est Bretislav Pojar, cinéaste tchèque spécialisé dans l’animation. Il signe le script avec son compatriote, Jiri Fried. Dans la mesure où le roman reprend l’idée originale du scénario et les dialogues du film, s’agit-il vraiment d’un roman québécois ? C’est là un tout autre débat. L’apport créatif de Viviane Julien est assurément marginal, tant l’œuvre écrite est une copie conforme du film.

Revenons plutôt à la valeur littéraire du texte et à l’intérêt qu’il peut susciter. Tant que Viviane Julien décrit l’univers quotidien d’Alex (sa relation avec son amie Lucie, ses démêlés avec la bande de Vincent, sa situation familiale), elle arrive à transmettre les états d’âme de l’adolescent qui se désole du rejet des autres garçons et qui s’ennuie de son père qui sillonne les mers. De plus, elle donne à l’évocation de la ville où vit Alex un quelque chose d’indéfinissable qui laisse penser qu’on est en Europe de l’Est plutôt que dans une ville nord-américaine, ce que confirment les images du film. Toutefois, quand elle rend compte des prodiges que réalise Ourougou, une sorte de fée Clochette sortie tout droit du monde de Peter Pan, elle peine à illustrer la magie et la fantaisie de ces scènes. Là où l’art de l’animation de Bretislav Pojar fait merveille en faisant se côtoyer un être en chair et en os et des créatures ou des objets animés, le texte de Viviane Julien apparaît limité, voire redondant, car ces scènes se répètent à l’écran avec beaucoup plus d’inventivité que sur le papier.

Il faut le dire, Danger pleine lune se situe vraiment dans le registre du merveilleux, l’émerveillement qui baigne l’existence d’Alex étant aux antipodes des sentiments d’angoisse ou de peur que distillent les récits fantastiques. Certes, la joie d’Alex et son bonheur ne sont pas sans nuages depuis l’apparition d’Ourougou dans sa vie car il souffre de plus en plus de l’exclusivité étouffante à laquelle sa relation avec la fée-papillon le contraint. Cependant, ce malaise qu’il ressent est dû dans une certaine mesure à un trop-plein de beauté et d’affection.

Comme dans les Contes pour tous qui sont, à leur manière, des contes moraux pour enfants, Danger pleine lune quelques leçons de vie. « On l’a fait tout seul… » s’exclame Alex à la fin en s’adressant à Lucie, en parlant d’un avion jouet qu’il réussit à faire voler. Il y a là une incitation à l’autonomie. C’était trop facile de réaliser ses désirs avec Ourougou qui avait des pouvoirs magiques. Alex en prend graduellement conscience, lui dont la relation avec Ourougou l’amène, métaphoriquement, à sortir de son « cocon » et à dépasser le stade de la chrysalide.

Il y a aussi l’amitié qui est valorisée dans cette histoire. Alex a délaissé Lucie pour vivre une relation exclusive avec Ourougou, mais le jeune garçon et la fée-papillon n’appartiennent pas au même monde. Alex apprend qu’il faut vivre avec les siens et savoir cultiver ses amitiés, ce que le professeur Rostand lui rappelle subtilement. C’est lui, d’ailleurs, qui lui dit : « Il y a des réponses que tu es seul à pouvoir trouver et elles sont en toi, mon jeune ami. » (p. 133)

Alors, Danger pleine lune, le roman, ajoute-t-il quelque chose au film ? Non. À vrai dire, le long métrage de Pojar lui est supérieur en raison du caractère ludique des nombreuses scènes d’animation dont il est truffé, le roman ne réussissant pas à évoquer ne serait-ce que le quart de l’inventivité déployée à l’écran. Quel est l’intérêt, alors, de cette novélisation ? [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 105-107.

Références

  • Clément, Michel-Ernest, Lurelu, vol. 16, n˚ 3, p. 17.