À propos de cette édition

Éditeur
Médiaspaul
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 101
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
121
Lieu
Montréal
Année de parution
1995
ISBN
9782894202982
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Jean, alias Furet, cherche à voler un fer à cheval chez le vieux Müller pour intégrer la bande des Chacals. Surpris par l’homme, il trouve sur le terrain de ce dernier un second masque comme celui qu’il a découvert précédemment, de même que le cadavre en décomposition d’un chien beige. Les mystérieux masques semblent toutefois de provenance étrangère. En effet, ils ne peuvent être égratignés par aucun métal et renvoient une image claire alors qu’ils sont en relief. Malgré cette trouvaille, Bull, le chef des Chacals, refuse de faire entrer Furet dans son groupe.

La mort du chien de Furet et la disparition de celui appartenant à une fille de la bande, près de chez monsieur Müller, incitent toutefois l’adolescent à conduire le groupe chez l’homme. Pénétrant dans la maison, les jeunes sont soudainement victimes de cauchemars au terme desquels ils se réveillent dans le corridor. Monsieur Müller, qui les découvre, s’avère de leur côté. L’inquiétude le gagne lorsqu’il apprend que Furet a dérobé les masques, puisque ces objets le protégeaient. La Chose qui poursuivait l’homme jusqu’alors se déchaîne tout à coup. Elle se nourrit d’un objet immatériel, le « rrig », créé par la pensée de Müller et met chacun en danger. En fixant la Chose dans les yeux, Furet parvient heureusement à désamorcer sa cruauté et à éviter le carnage.

Le chien retrouvé, Furet joint ultimement la bande et la nature particulière du jeune homme est remarquée par Müller qui devient son mentor. Effectivement, aux côtés de Müller, Furet développe sa philosophie et ses pouvoirs psychiques.

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Commentaires

Le récit, qui démarre sur les chapeaux de roue, installe de nombreuses pistes, un suspense intense et un climat de roman d’horreur dès le premier chapitre. En effet, le roman mouvementé, qui bénéficie d’une écriture simple et juste, sait soutenir l’intrigue avec ses dialogues familiers et son action incessante.

L’alternance entre la vie quotidienne et les événements effrayants ou surnaturels qui se déroulent installe toutefois le doute fantastique. En effet, tandis que Jean fuit la maison pour échapper à ses parents adoptifs qui se chicanent tout le temps, il devient Furet pour ses amis. À son changement de nom correspond l’opposition entre le possible et l’impossible. Bien qu’il demeure Jean dans l’intimité de sa famille ou de ses pensées, une nouvelle identité lui est octroyée quand il entreprend des actions risquées ou quand ses pouvoirs se développent, le réel basculant alors vers le surnaturel. Sous l’identité de Furet, il entre dans le fantastique et le doute naît quant à la vérité de ce qu’il vit dans la maison de Müller.

Le fantastique semble d’abord provenir de l’habitation de Müller. Le sujet du lieu hanté date d’ailleurs de l’époque du roman gothique et est souvent analysé de manière symbolique ou psychanalytique (le sous-sol signifiant l’inconscient, le grenier étant le surmoi, etc.). Il fut notamment exploité par Shirley Jackson en 1979 dans Maison hantée (traduit en français seulement en 1993) et, comme dans ce roman de premier plan où murs et portes se déplacent selon leur gré, le danger que dégage la maison de Müller provient ici de portes et fenêtres qui disparaissent. Quand ces composantes essentielles de la maison s’évaporent, les adolescents demeurent symboliquement prisonniers de leur monde intérieur. Ainsi, dans le roman de Bolduc, la distorsion de l’espace confond aussi le psychisme. D’ailleurs, les rêves ou hallucinations des jeunes semblent particulièrement vrais et occupent une place marquante dans le roman. Ils prennent même un espace plus considérable que celui octroyé aux actions soulignées par le résumé. Mais, bien que les portes s’évanouissent et que les aspirations et peurs secrètes des adolescents soient décryptées, la maison n’est pas à l’origine des phénomènes surnaturels. C’est la Chose qui les provoque.

L’innommable fait donc son apparition comme thème principal. Il semble en effet que la bande et Monsieur Müller soient pourchassés par une créature simplement nommée « la Chose ». Le thème du monstrueux aborde en effet aussi bien le mal à l’extérieur de soi que la méchanceté qui se cache en chacun. Ainsi, dans le roman, l’horreur semble d’abord extérieure. C’est au contact de Müller que Furet, subitement victime d’une cascade de visions, aperçoit l’homme découvrant une créature épouvantable avant d’être suivi par cette bête ni homme ni animal. Trop horrible pour qu’elle puisse seulement être identifiée, la créature s’avère innommable, mais elle stimule la méchanceté chez Müller. Tandis que l’innommable s’incarne dans une entité sans nom, le mal se terre donc au sein de l’homme lui-même.

L’entité ayant poursuivi Müller pour en faire un méchant homme serait finalement attribuable aux Tahrrigis qui auraient lancé leur malédiction contre l’homme après qu’il les eût espionnés. Le mythe d’une race supérieure, qui maîtrise la pensée, mais vivant cachée en exil, est donc perpétué par le roman. Considérés comme des dieux, ou en possédant du moins certaines capacités, les Tahrrigis font preuve d’une grande puissance. Dans ce cas-ci, leur pouvoir leur permet de punir et l’envoi d’une entité constitue leur façon de réprimander Müller. La puissance des Tahrrigis s’affirme donc sans conteste, mais leur influence lointaine les rend difficiles à détecter.

Finalement, comme dans le roman gothique, la question de l’identité et des origines se détache de l’ensemble. La rencontre avec Müller s’avère en effet déterminante pour Furet. Müller a beaucoup à apprendre au jeune homme, concernant notamment sa nature et ses ancêtres. Pour Furet, la logique du monde naît d’ailleurs quand il apprend qu’il est adopté et serait un descendant des Tahrrigis, clarifiant ainsi son identité.

Somme toute, tandis que le roman semble trépidant mais anodin en surface, il propose en profondeur quelques thèmes fondateurs du fantastique comme les lieux hantés, le monstrueux ou le mythe de dieux cachés vivant sur Terre. Malgré l’apparente complexité de l’intrigue, les parts attribuables au naturel et au surnaturel sont claires. Au final, les pouvoirs de Furet forcent une réflexion sur le bien et le mal, suscitant un questionnement sur ce qui peut aider les autres ou leur nuire et sur l’intérêt de posséder des pouvoirs paranormaux quand les capacités de chacun s’avèrent, de toute façon, différentes et complémentaires les unes des autres. [SD]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 32-34.

Références

  • Cadot, Richard, Lurelu, vol. 19, n˚ 1, p. 15.
  • Lacroix, Pierre, Temps Tôt 40, p. 49.