À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
J'ai Lu
Titre et numéro de la collection
- 4279
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Paru dans
Genèses
Pagination
15-98
Lieu
Paris
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Saul Jacob, professeur d’histoire et de linguistique à l’Université de Louisane du Sud, se fait muter à Montréal afin de joindre le cercle d’intimes d’Emmanuelle Cara, l’artiste internationale de l’heure. Jacob collectionne les artistes comme d’autres collectionnent les œuvres d’art. Mais surtout, il cherche à percer le mystère qui entoure la jeune femme car celle-ci disparaît périodiquement pour une retraite secrète au terme de laquelle elle revient avec un nouveau spectacle, toujours plus étonnant et virtuose. Devenu amant d’Emmanuelle, Saul Jacob fait la rencontre de la mystérieuse Moïra, médecin personnel de la jeune artiste, après l’attentat dont cette dernière a été victime. Peu à peu, il découvre la véritable nature d’Emmanuelle et… ses différentes identités passées à lui.

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Commentaires

La nouvelle commence comme un thriller car elle s’ouvre sur une énigme à éclaircir : comme Saul Jacob s’est-il retrouvé à La Nouvelle-Orléans et pourquoi a-t-il pris l’identité d’Henri Letellier ? Ce ne sera d’ailleurs pas la seule énigme à élucider car « Le Début du cercle » est l’une des nouvelles – une novella, en fait – les plus denses d’Élisabeth Vonarburg.

Le texte s’inscrit dans l’univers alternatif décrit dans la première partie des Voyageurs malgré eux. Rappelez-vous : Montréal est devenue une Enclave francophone « protégée ». C’est là qu’aboutit Saul Jacob, en provenance de la Louisiane qui représente l’État-refuge des francophones après la conquête anglaise de la Nouvelle-France en 1759. Il me semble que cet aspect était moins mis en évidence dans le roman cité plus haut mais sa lecture remonte à près de vingt ans… C’est cet univers parallèle qui m’a d’abord intéressé (et fasciné) dans la nouvelle de Vonarburg. Celle-ci a le don d’imaginer des uchronies crédibles et de nourrir ses créations de considérations sociopolitiques justes.

Par la suite, un des thèmes récurrents de l’œuvre de Vonarburg prend le dessus. Elle propose en effet une réflexion poussée sur la création, ses mécanismes, ses ressorts. C’est ce qui intéresse d’abord et avant tout Saul Jacob, un esthète de l’art fasciné moins par les œuvres artistiques elles-mêmes que par les personnes qui servent de médium à l’expression artistique. Ce qui le motive, ce ne sont pas tant les conquêtes physiques qui jalonnent sa quête compulsive de collectionneur que le fait de pénétrer l’intimité de l’artiste ciblé. Jacob est un groupie, un vampire à sa façon.

Au début du récit, le lecteur croit qu’il s’agit d’une histoire d’amour ou de fascination qui réunit Saul et Emmanuelle. Mais le véritable personnage principal – celui qui tire les ficelles –, c’est Moïra et le véritable sujet, la création – autant la création artistique que la création de la personnalité. Emmanuelle incarne le fantasme de l’artiste complet, total, qui excelle dans tous les arts. Les dons d’Emmanuelle, on l’apprendra, ne sont pas innés, ils lui ont été implantés par Moïra. On est ici de plain-pied dans le mythe de Frankenstein.

« Le Début du cercle » n’est pas le texte le plus maîtrisé d’Élisabeth Vonarburg. La discussion métaphysique entre Saul et Moïra sur l’« âme », la « psyché » au moment où Moïra investigue le cerveau d’Emmanuelle pour tenter de découvrir ce qui a causé son dysfonctionnement est certes intéressante et pertinente mais elle s’étire inutilement. De plus, le récit étant par moments assez technique (influence du cyberpunk ?), l’écrivaine aurait eu intérêt à définir l’« Effet Salamandre » souvent évoqué.

À la fin de la lecture, on ressent une frustration car plusieurs questions demeurent sans réponses. De qui Moïra est-elle la créature ? Pourquoi Moïra est-elle condamnée à son sort d’immortelle, à la fois enviable et affligeant ? Qui lui a fourni les machines qui lui permettent de « réparer » Emmanuelle ? Pourquoi Moïra est-elle immortelle ? Visiblement, Élisabeth Vonarburg n’a pas fini d’en découdre avec ce personnage.

Dans sa présentation de la nouvella reprise en 2009 dans le recueil Sang de pierre, l’auteure mentionne qu’elle a utilisé la méthode d’écriture explorée à l’époque de Sabine Verreault, quand elle travaillait à sa thèse de doctorat en création littéraire. Pour les aficionados et les spécialistes de la génétique des textes, « Le Début du cercle » a valeur de document exceptionnel. En effet, la façon dont évolue Moïra à la fin est tout à fait fascinante. Ce qui se lit entre les lignes, c’est la métaphore de la transformation d’Élisabeth Vonarburg au contact de Sabine Verreault. Moïra/Élisabeth s’est servie d’Emmanuelle/Sabine pour poursuivre ses expériences (scientifiques/littéraires) et valider des hypothèses. En récupérant certains engrammes/certains traits d’Emmanuelle/Sabine après la destruction (physique d’Emmanuelle, symbolique de Sabine à l’occasion du dévoilement de sa véritable identité), Moïra/Élisabeth a adopté une partie de la personnalité de l’Autre. Élisabeth Vonarburg, après l’expérience du pseudonyme de Sabine Verreault, n’est plus tout à fait la même écrivaine.

À maints égards, « Le Début du cercle » fonctionne selon le même concept de vies multiples utilisé dans les nouvelles du « Cycle du pont » où les voyageurs et voyageuses recommençaient une nouvelle vie dans un autre univers parallèle. Ainsi, le personnage de Saul Jacob est un voyageur malgré lui qui vit différentes identités et a l’impression de repartir à neuf, puisque les souvenirs de ses vies antérieures sont effacés chaque fois que Moïra le fait passer dans ses machines. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 208-210.

Prix et mentions

Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1997

Prix Boréal 1997 (Meilleure nouvelle)