À propos de cette édition

Éditeur
Libre Expression
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
215
Lieu
Montréal
Année de parution
1984
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Jacques est un médecin-chercheur de Montréal. Il travaille en secret sur un virus de la grippe qui, après avoir vu son ARN augmenté d’une information génétique spécifique, détruit toutes les cellules cancérigènes responsables du cancer du sein. Malheureusement, le virus s’attaque aussi aux cellules de l’utérus et, loin de les tuer, il les transforme en cellules cancéreuses qui se multiplient à très grande vitesse lorsque stimulées par les hormones œstrogène et progestérone. Elles envahissent alors tout l’organisme, surtout les poumons. Les femmes enceintes sont les premières touchées, puis toutes les femmes fertiles.

L’épidémie s’étend petit à petit quand Jacques découvre que son virus en est la cause. Déjà, sa femme est morte et l’opinion publique commence à s’inquiéter. Le vaccin se fait attendre et Jacques se sent coupable. Après une périodde dépressive, Jacques convaint Richard, un autre médecin, de tenter une expérience cruciale. L’humanité est menacée comme elle ne l’a jamais été puisque c’est l’ensemble des femmes fertiles qui tombe. Il faut que l’homme remplace la femme, pour un moment à tout le moins, et Jacques veut être le cobaye. Après un traitement aux oestrogènes qui fera de lui un transsexuel, un embryon mâle sera implanté sur la paroi abdominale. Ils exécutent leur projet en secret, craignant les répercussions dans un monde de plus en plus perturbé.

Parallèlement, nous suivons Paul, un jeune homme qui regarde l’épidémie atteindre des proportions catastrophiques sans pouvoir rien faire. Il a comme amie une vieille dame qui est un peu la grand-mère de tout le monde et qui reste dans la Mauricie, venant le visiter de temps à autres. Montréal, comme toutes les villes, est une ville sinistre. Les hommes en deuil de leur femme, amante, fille, mère, compagne, se retrouvent seuls, souvent aux prises avec la charge d’une famille jeune. Ils voient au travail habituel s’ajouter l’entretien ménager, la préparation des repas. Les garderies ne suffisent plus et la détresse étreint tous les visages. Paul rencontrera Anna, une jeune française qui a connu Jacques. Ils sympathiseront et, après qu’Anna eut attrappé une grippe qui, heureusement, n’était pas celle de l’épidémie, ils iront rejoindre la grand-mère et son clan en campagne.

L’expérience de Jacques est découverte et la télévision assistera à la césarienne. Des manifestations se forment et Jacques et son enfant doivent se réfugier en secret dans sa maison. Anna, qui l’a reconnu à la télévision, l’y rejoint. Après quelques jours, la retraite est découverte et les manifestations reprennent devant la porte de Jacques. Il sera abattu par une foule en colère. Mais Jonathan, le bébé né d’une mère-mâle, sera sauvé par grand-mère et il grandira en Mauricie.

Commentaires

Au départ, j’ai eu tendance à voir dans Le Dernier Recours une autre variation sans originalité sur la fin du monde. Les mondes sans femme ont été souvent exploités dans la SF et, me disais-je, il n’y a rien de bien original ici.

Effectivement, le roman de Christine L’Heureux ne révolutionnera pas le thème. J’irais même jusqu’à dire qu’il en est une variante bien mal ficelée. La toile de fond est tendue tant bien que mal, on a peine à comprendre ce qui se passe sur cette Terre dévastée, comment réagissent les différents peuples, les gouvernements, les mouvements sociaux et les organisations de tous acabits. Là où Frank Herbert nous donne une fresque monumentale, quoique verbeuse, avec La Mort blanche, nous n’avons droit qu’à une ébauche, un double récit dont les intrigues s’articulent péniblement tout en restant peu crédibles.

Mais Christine L’Heureux ne veut surtout pas décrire une planète moribonde de la moitié de son humanité. Tout cela n’est qu’une gigantesque mise en scène afin de mettre en valeur une seule chose : la différence qui sépare l’Homme de la Femme. C’est seulement en comprenant ce qui précède que l’on peut voir toute la beauté de ce livre. Car il s’agit d’un beau livre, fort, prenant, dérangeant au plus haut point, un livre qui s’aventure profondément dans une jungle taboue, celle de la virilité, de la féminité, de la différence qui caractérise le macho de l’homosexuel, du transsexuel, de la femme et de la lesbienne. Le Dernier Recours veut démontrer la différence caractérielle entre homme/femme, démontrer qu’elle n’est que le reflet de la principale différence physique qui sépare le mâle de la femelle : l’enfantement.

Jacques est typiquement macho. Comme Richard, son complice dans l’expérience. Mais Jacques change graduellement de mentalité à mesure que son corps prends des rondeurs. Il s’intériorise, devient doucement plus à l’écoute de ce corps qui mute, s’intéresse plus à ses relations et aux discussions qu’il a avec Richard. Sous les yeux du gynécologue, une pensée typiquement masculine se féminise avec toutes les angoisses et les problèmes qui en découlent.

Même phénomène dans la deuxième intrigue. Paul et Anna ont des caractères bien stéréotypés, tout comme la grand-mère. C’est de l’intervention de l’un sur l’autre et des changements, des prises de consicence qui en découlent que veut nous entretenir Christine L’Heureux. Le reste n’est rien, semble-t-elle nous dire.

Et peut-être a-t-elle raison. Car si la Terre a bien changé depuis deux mille ans, l’Homme et sa compagne ne semblent pas évoluer rapidement dans leur relation. Le manque de compréhension de l’autre est toujours le même, et il empire, diront les pessimistes. Quoi qu’il en soit, c’est de cela que nous entretient l’auteure, et son livre est en ce sens un souffle puissant dans un océan de mièvreries moyenâgeuses.

Il faudrait parler des pages et des pages sur le contenu de ce livre, sur la grande connaissance de ses semblables que démontrent Christine L’Heureux, mais je ne me reconnais pas la compétence de le faire et, de toute façon, ce n’est pas le but de cette recension.

À noter que tout le volet scientifique, que ce soit à propos du virus ou de l’implantation de l’embryon est très bien documenté et à la fine pointe des connaissances biochimiques et médicales.

Quant à la fin, je la trouve décevante, bâclée. Comme si Jacques, une fois le petit mis au monde, ne servait plus. J’aurais aimé le voir évoluer après sa délivrance, voir le changement dans ses comportements, j’aurais voulu que l’histoire aille jusqu’à sa conclusion normale, quoi ! Et puis, l’épilogue. Qui déroute complètement, assassine brusquement les deux cents premières pages. Pourquoi venir nous parler de cette possibilité de vie aquatique, pourquoi associer à cette natalité si spéciale un autre phénomène mille fois plus ardu à croire et surtout sans relation aucune ?

Le Dernier Recours est comme la belle et la bête : il envoûte ou il dégoûte, mais jamais il ne laisse indifférent. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1984, Le Passeur, p. 58-61.

Références

  • Janelle, Claude, Solaris 61, p. 7.
  • Landry, Jenny, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VII, p. 225-226.
  • Leclerc, José, Canadian Woman Studies/Les cahiers de la femme, vol. 6, n˚ 2, p. 24-26.
  • Provencher, Marc, imagine… 29, p. 81-86.