À propos de cette édition

Éditeur
Chimères
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Chimères 26
Pagination
12-15
Lieu
Saint-Denis (France)
Année de parution
1994
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Tom Chauncy est un fervent collectionneur de livres. La lecture – et, par ricochet, l’entretien de sa collection – relève pour lui du rituel. De retour d’une librairie d’occasion, Tom s’attarde à un livre mystérieux qu’il a acheté : Hypnophobie. Amorçant la lecture, Tom est aussitôt happé par l’histoire, dont la fin le déçoit parce qu’incomplète. Une mention finale l’invite à se rendre à une adresse précise pour rencontrer madame Zabina, qui demande 100 $ pour dévoiler la finale d’Hypnophobie. Tom refuse, et il est alors condamné, lui assure-t-elle après s’être métamorphosée en créature hideuse, à la voir, elle, chaque soir en se mettant au lit.

Autres parutions

Commentaires

Cette nouvelle de Natasha Beaulieu explore un thème cher aux fantastiqueurs depuis toujours : l’attrait du livre, magique, presque maladif et souvent maléfique, pour un personnage. Déjà chez Borges le livre revêtait un « pouvoir » particulier – celui de changer le cours de l’Histoire par la (re)lecture (ou la réécriture) qu’en faisait un personnage. « La Dernière Ligne » fait beaucoup penser à la nouvelle « Le Livre de Mafteh Haller » de Marie José Thériault, récit tiré du recueil L’Envoleur de chevaux et autres contes (1986). Dans la nouvelle de Thériault, où il est question d’occultisme, le livre recèle le pouvoir de persuader son détenteur d’abord de le déchiffrer puis de concevoir l’objet qui contribuera à sa perte – un miroir dans lequel le détenteur du livre se trouvera « aspiré », pour ainsi dire.

« La Dernière Ligne » présente une intrigue similaire, exception faite que le protagoniste, Chauncy, est plus insidieusement happé par le livre qu’il s’est procuré. Aucun déchiffrement n’est nécessaire : le bibliophile plonge dans le récit, en reste captif.

Voilà sans doute l’intérêt principal du récit de Beaulieu (et sa force) : la réactualisation d’un thème séculaire, apparemment cher à nombre d’auteurs – le pouvoir qu’exerce le livre, directement ou indirectement, sur quelqu’un qui est féru de lecture. D’autres fantastiqueurs québécois se sont adonnés à l’exploration de ce thème riche : André Carpentier dans « La Bouquinerie d’Outre-Temps » (1978), Claude Bolduc dans « Les Yeux troubles » (1998), jusqu’à un certain point (c’est le livre qui sert de point de départ aux problèmes du protagoniste, Louis, son amour du fantastique l’attirant dans la librairie où il rencontrera Dumas, son antagoniste).

Outre ce parcours d’un thème intéressant qui (immanquablement, dirait-on) fait basculer le personnage-lecteur dans l’univers qui est décrit dans le livre qu’il lit, « La Dernière Ligne » fricote avec l’horreur, la scène finale de la nouvelle présentant une créature effrayante et, surtout, mystérieuse : qui est cette Zabina qui possède une bibliothèque remplie d’ouvrages à la reliure identique à celle d’Hypnophobie ? D’où provient le Mal qu’elle propage ? Le lecteur ne trouve aucune réponse à ce questionnement – et c’est très bien ainsi.

Il eût été souhaitable que le silence de l’auteure à ce sujet s’applique également à ce qui arrive à Chauncy, une fois qu’il refuse d’acheter à Zabina la « finale » d’Hypnophobie. En effet, le dernier paragraphe du récit semble superflu : « Chauncy s’enfuit. Mais il savait qu’il était condamné à revenir bientôt avec les cent dollars en poche. Ce qu’il ne savait pas encore, c’était que l’histoire de Jack Davenport [le protagoniste d’Hypnophobie] n’avait pas de fin… » Il aurait été préférable de montrer ou de suggérer plutôt que de dire. Respect du nombre de mots dans la revue Chimères obligeait-il ? [SL]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 11-12.