À propos de cette édition

Éditeur
La Revue moderne
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Revue moderne, vol. X, n˚ 6
Pagination
10
Lieu
Montréal
Année de parution
1929

Résumé/Sommaire

Alors que le soleil s’éteint, le froid se répand sur la Terre, décimant la population. Il ne reste bientôt plus que trois humains, deux hommes et une femme. Léa a choisi Julien. Jaloux et désespéré, Démos tue Julien pour trouver un peu de chaleur auprès de la femme. Ils meurent gelés quelques heures plus tard. Puis, lentement, un nouveau soleil réchauffe la planète et la vie renaît.

Première parution

Dernière Nuit (La) 1929

Autres parutions

Commentaires

Cette version parue dans La Revue moderne diffère de celle qui figure dans la première édition du recueil L’Homme qui va… Des coupes fort significatives ont été effectuées dans le texte destiné au périodique montréalais. Cela nous dit que la presse écrite était plus frileuse à cette époque que les éditeurs de livres. Un passage qui fait référence à une sexualité débridée a été retiré : « Hommes et femmes s’accouplaient misérablement au hasard des nuits. » Un autre portant sur l’instinct de survie qui incite à la procréation pour le maintien de l’espèce humaine est passé à la trappe. En outre, la lutte entre les deux hommes survivants pour s’approprier l’unique femme est plus détaillée dans le recueil et comprend cette phrase absente du périodique : « La dernière génitrice du monde avait choisi l’homme [Lucien] que lui indiquait son instinct. »

Pour éviter d’indisposer les bien-pensants donc, quelqu’un a pris la décision d’éliminer les passages trop explicites ou incriminants sur la sexualité et la violence. Dans ce dernier cas, cependant, il y a lieu de se demander si le retrait du passage du meurtre de Julien par Démos est un geste dicté par la pudeur ou la censure (la revue s’en défend) ou s’il ne s’agit pas d’un truc publicitaire pour mousser la parution du recueil dont La Revue moderne fait implicitement la réclame.

Au-delà de ces considérations sur les enjeux de la liberté de création à la fin des années 1920, il reste un texte nourri d’une langue poétique qui dépeint les conditions de vie effroyables – notamment une brève allusion au cannibalisme forcé – sur la Terre à la suite de l’extinction inexorable du soleil. La fin de l’humanité, qui coïncide avec la mort de Julien aux mains de Démos, trouve écho dans le premier meurtre de l’humanité, celui d’Abel par Caïn. Le texte se conclut toutefois sur une note d’espoir puisqu’un nouveau soleil réchauffe à nouveau la Terre, que la vie renaît et qu’une nouvelle humanité reprend « sa marche incessante vers l’inconnu ».

Avant cette renaissance annoncée, la nouvelle d’Harvey emprunte plutôt le ton lyrique du lamento car l’auteur déplore la disparition des réalisations grandioses de l’homme. « La Dernière Nuit » a aussi des accents de tragédies grecques. Par contraste avec les prénoms courants Lucien et Léa, Démos n’évoque-t-il pas par son nom les dieux de l’Olympe ? Ceux-ci se mêlaient au monde des humains, pour le plus grand malheur des mortels. C’est la matière première des tragédies classiques, dont Phèdre et Andromaque de Racine. Jean-Charles Harvey salue cet héritage avec lepersonnage de Démos. [CJ]