À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 92
Pagination
12-13
Lieu
Hull
Année de parution
1990
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un peintre raté fréquente assidûment la taverne Cinq Étoiles. Un jour, il surprend un curieux manège qui se répète dans l’arrière-salle. Des clients en ressortent à la dérobée non sans avoir laissé un pourboire au waiter. Profitant d’une absence momentanée de celui-ci, le narrateur découvre dans le petit entrepôt une banale chaise de cuisine à travers laquelle se profile un visage de femme. L’artiste s’enfuit avec la chaise.

Commentaires

Même si je côtoie Jean Pettigrew depuis des années, je suis toujours étonné de constater chez lui l’expression d’un sentimentalisme, un tantinet larmoyant parfois comme c’est le cas ici, qui traverse plusieurs de ses textes. C’est dire que l’écrivain s’investit pleinement dans son œuvre, alors que l’homme se montre plus réservé sur ses sentiments. Il y a un écart considérable entre le personnage public sûr de lui et l’écrivain sensible et vulnérable qui fait corps avec ses personnages de ratés, de marginaux et de paumés malheureux en quête d’une compagne qui partagera leur misère morale et affective.

« Derrière les barreaux » raconte justement la dérive d’un peintre raté qui se secoue après avoir aperçu le visage d’une femme derrière les barreaux d’une chaise. La femme, ici, représente un absolu qui ranime le feu sacré chez l’artiste déchu. L’art seul ne suffit pas à rendre supportable l’existence : il faut aussi qu’il s’incarne dans l’éternel féminin. Si cette rencontre déclenche chez le narrateur un sentiment de complicité et de connivence, c’est que la condition de la femme fait écho à sa propre condition d’aliéné. Il se reconnaît dans cette femme condamnée à satisfaire sexuellement les habitués de la taverne. Sa déchéance fait écho à la sienne. « Une tristesse si grande se lisait en eux [ses yeux] que des larmes embrouillèrent les miens, phénomène que je n’aurais jamais cru possible tant ma déchéance était complète. »

Mais Jean Pettigrew est trop lucide pour croire aux contes de fées. Il n’est pas donné à l’artiste de revoir le visage de la femme. C’est pourquoi il signe ses toiles Tristesse.

Comme Bertrand Bergeron dans certaines de ses nouvelles, mais dans un registre différent, Jean Pettigrew exprime, dans « Derrière les barreaux », l’impossible rencontre du monde masculin et du monde féminin, si ce n’est sur le territoire de l’imaginaire. Bonjour Tristesse ! [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 153-154.