À propos de cette édition

Éditeur
La courte échelle
Titre et numéro de la collection
16/96
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
150
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
ISBN
9782890212770
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

À la mort accidentelle de ses parents adoptifs, Jean-Étienne Deslauriers touche un petit héritage et entreprend un long voyage à l’étranger. Il est recruté par une organisation secrète et signe un engagement de cinq ans. De retour au Québec, il donne suite à une lettre du cabinet d’avocats Sanche & Quirion, reçue au moment du décès de ses parents, qui l’invitait à prendre possession des archives de sa mère, Marcelle Deslauriers, née Prévost, morte en donnant naissance à son fils unique. Jean-Étienne rencontre les deux avocats qui ont bien connu sa mère puisqu’ils étudiaient tous les trois à l’université au début des années 1970.

Il commence la lecture du journal intime de sa mère qui débute en décembre 1970, dans le climat de la Crise d’octobre, et se termine le 27 septembre 1971. Il apprend des choses sur son passé familial et sur le couple formé par Hyacinthe Roy et Marie-Adèle Baron qui habitait dans l’appartement au-dessus de celui de Marcelle. Jean-Étienne découvre bientôt qu’il vit à l’endroit même où vivait sa mère. Il cherche à en savoir davantage sur elle en tentant de retracer ses voisins et en questionnant les deux avocats. Il s’interroge notamment sur la santé mentale de sa mère car elle avait noté dans son journal qu’une créature sortie tout droit d’une tenture médiévale, la Mort de saint Étienne, la visitait parfois la nuit et dialoguait avec elle. Elle lui était apparue à partir du moment où elle avait appris qu’elle était enceinte. Le journal étant muet sur l’identité du géniteur, Jean-Étienne est de plus en plus obsédé par ses origines. Qui est son véritable père ? Ses parents adoptifs en savaient-ils plus qu’ils ne voulaient bien le laisser croire ?

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Commentaires

À première vue, Détail de la mort d’Anne Legault est très différent de son roman précédent, Récits de Médilhault, que j’ai trouvé formidable. Le récit est ancré dans la réalité socio-politique (sur fond de Crise d’octobre) et géographique (Montréal et la région autour du lac des Deux-Montagnes) du Québec. La quête d’identité est avant tout personnelle et tient du roman familial alors que le roman futuriste donnait à voir le portrait collectif d’une humanité cherchant à préserver ses valeurs morales.

La filiation entre les deux œuvres est toutefois perceptible dans cette idée de personnification de la mort. Dans Récits de Médilhault, elle apparaissait sous les traits de Mort, diminutif de Thérèse Moreau constitué des trois premières lettres de son nom de famille et de l’initiale de son prénom. Dans le présent roman, la mort est personnifiée par fragments dans différents personnages, particulièrement celui de Jean-Étienne Deslauriers, un tueur à gages. Ce sont ces fragments qu’Anne Legault explore et qui l’amènent à aborder plusieurs sujets et divers milieux. Il en résulte une œuvre hybride et éclatée qui tient à la fois du roman noir (un tueur à gages, un indicateur de police, une organisation secrète paramilitaire), du roman familial (histoire tragique des Prévost, branche maternelle de Marcelle) et, accessoirement mais néanmoins d’une importance capitale, du roman fantastique.

Au cœur de ce dernier, la créature monstrueuse représentée dans une tapisserie du XVIe siècle, probablement d’origine flamande, intitulée Mort de saint Étienne, qui apparaît périodiquement dans la chambre de Marcelle. Cette figure constitue le point de départ d’un réseau de ramifications qui compose une mosaïque de la représentation de la mort. Elle est appelée Détail car elle n’est pas le sujet principal de la tapisserie. Ce sont ces « détails » révélés au fil de l’enquête menée par Jean-Étienne sur ses origines – son deuxième prénom établit un lien avec l’œuvre représentant le premier martyr de la chrétienté – qui finissent par rendre cohérent un roman qui, croit-on pendant un bon moment, s’en va un peu dans toutes les directions.

Ainsi, la Crise d’octobre, peu souvent évoquée dans la littérature québécoise, sert de toile de fond au quotidien de Marcelle. L’évocation du climat de terreur entretenu par les perquisitions chez les voisins de Marcelle alimente une atmosphère délétère, sans compter la présence troublante de Hyacinthe Roy, avec son visage d’Ange exterminateur, qui s’avérera un indicateur de police. Le milieu du théâtre, que l’auteure connaît bien pour y avoir frayé pendant des années, est aussi esquissé puisque le couple qui habite au-dessus de Marcelle tente de s’y faire un nom. Anne Legault dépeint avec une ironie mordante le « beau milieu » : « Je ne connaissais personne dans ce milieu où ils se connaissent tous, veulent tous se connaître et veulent tous être connus de gens qu’ils ne connaîtront jamais. »

C’est peut-être, en définitive, le milieu familial qui contient le plus grand nombre de méfaits de la mort, l’histoire familiale de Marcelle au premier chef. J’avoue que ce fut un peu difficile de m’y retrouver dans le récit de la famille Prévost – et pourtant, l’arbre généalogique n’est pas très branchu –, qui brouille un peu les pistes et marque la véritable énigme qui est celle de l’identité du père de Jean-Étienne. Sans s’appesantir, Anne Legault aborde le délicat sujet de l’inceste. Elle condamne l’acte de façon subtile car le fruit de l’inceste est un vecteur de mort : Jean-Étienne est un tueur à gages sans état d’âme qui exécute proprement ses victimes et dont le premier meurtre est en quelque sorte celui de sa mère, morte en lui donnant naissance.

Les figures qui symbolisent différents visages de la mort ne justifieraient pas l’inclusion du roman de Legault dans le corpus fantastique n’eût été le journal intime de Marcelle. Ce document, qui rapporte les conversations de la jeune femme avec Détail, la bête fabuleuse de la tapisserie, constitue l’ancrage fantastique du roman. Marcelle n’est pas folle et les stries rouges qui zèbrent son pied gauche, gracieuseté des griffes de la créature, finissent par nous convaincre de sa réelle existence. La même marque apparaît d’ailleurs sur le pied droit de Jean-Étienne qui, de son côté, subodore la présence de la mort par la fumée qui l’assaille et le fait suffoquer dans son sommeil ou ses rêves.

Détail de la mort est une étude impressionniste sur les différents avatars de la mort qui vise, ultimement, à apprivoiser son inéluctable manifestation. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 123-125.

Références

  • Fortin, Marie-Claude, Lettres québécoises 87, p. 23.
  • Martel, Réginald, La Presse, 10-11-1996, p. B 3.
  • Perron, Gilles, Québec français 105, p. 19-20.