À propos de cette édition

Éditeur
Fides
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
198
Lieu
Montréal
Année de parution
1992
ISBN
9782762115925
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Antoine Stratocumulus est passé maître dans l’art de la lutherie, même s’il souffre de ne pouvoir surpasser le légendaire Antonio Stradivarius. Il caresse aussi des ambitions musicales insatisfaites. Tout change cependant quand l’imprésario Carlo Marconi lui amène la chanteuse Merise Bigarreaux pour qu’il lui rafistole ses cordes vocales.

Antoine s’exécute mais garde la pierre de tristesse qu’il a découverte dans la gorge de Merise et qui conférait toute leur charge d’émotions à ses chansons. Marconi confie ensuite à Antoine le cas d’Igor Gonzola, dont la voix dotée d’un pouvoir de conviction irrésistible est en danger. Or, Igor Gonzola est procureur et se sert de sa voix pour faire condamner des accusés innocents tandis que ses employés sacrifient des esclaves au cours d’expériences médico-légales. Antoine persuade le procureur de se prêter à une transplantation de cordes vocales et le luthier remplace l’organe vocal du procureur par une corde musicale au timbre identique qui s’usera toutefois au bout de quelques mois. Antoine conçoit alors le projet de faire subir la même opération à toutes les célébrités de la planète afin de se constituer une collection de cordes vocales exceptionnelles qu’il pourra se greffer.

Avec l’aide de Marconi, Antoine mène à bien son projet et rassemble dans sa gorge les meilleures voix du monde entier. Il devient le plus grand chanteur de tous les temps. Julien, le guitariste du groupe, se lie d’amitié avec lui et Antoine tentera de faire retrouver la femme de Julien, qui s’est vendue comme esclave afin de fournir à Julien l’argent nécessaire à son éducation musicale. Mais la femme de Julien est morte trois semaines auparavant.

Quand Julien surmonte sa peine, il emmène Antoine retrouver Merise qui, privée de sa pierre de tristesse, est devenue fille de joie. Antoine, qui s’était épris à distance de Merise, est accablé et coupe court à sa carrière musicale. Le monde ne peut pas supporter de se passer de sa voix extraordinaire et, au désespoir, se retrouve au bord de l’effondrement. Merise se rend auprès d’Antoine, à peine conscient des répercussions de sa décision, et l’incite à agir. Antoine greffe alors les cordes dérobées à Loup, chanteur révolté par l’esclavagisme et les abus de l’argent et du pouvoir. Enfin, Antoine, Merise et Julien se réunissent au milieu du désert. Merise chantera une dernière fois avec sa pierre de tristesse, faisant couler les larmes si longtemps retenues qui feront fleurir le désert.

Commentaires

Esprits chagrins, s’abstenir. L’imagination règne en reine dans ce charmant petit roman à la limite de la science-fiction et du merveilleux grâce à la logique de la langue dont l’auteure joue avec dextérité. Mylène Goupil pratique le détournement systématique des expressions figées et lieux communs. D’autres l’ont fait avant elle, mais peu avec autant de rigoureuse hardiesse. C’est la magie du verbe qui anime des objets doués de volonté sinon de raison, qui parfois s’intégreraient tout aussi bien dans un récit de science-fiction. Le répondeur invente des excuses, la montre évite le coup d’œil qui lui est jeté, une gorge nouée est libérée en défaisant un nœud…

Ce style très ludique se retrouve souvent chez les jeunes auteurs, mais Goupil en jugule les excès, évitant prétention et jeux de mots pénibles, et privilégie la fraîcheur d’expression. Quelques outrances comme cette limousine pourvue d’une piscine et d’un zoo font tache, poussant à bout la crédulité du lecteur. En général, cependant, les inventions de l’auteure s’insèrent sans mal dans le cadre d’un monde merveilleux qui n’est pas le nôtre mais qui lui ressemble souvent. Justice inique, imprésarios et télévangélistes véreux, importance démesurée du spectacle et du divertissement… Le merveilleux se fait parfois symbolique, comme dans le cas des cinq cents sosies de Marconi qui évoquent l’omniprésence de certains types d’affairistes.

Le roman semble avoir été écrit d’un trait, mais tout se tient d’une façon remarquable. L’histoire finit bien pour tout le monde, ou presque ; même le procureur Igor Gonzola privé de sa merveilleuse voix trouve le bonheur avec sa fille et son épouse. En fin de compte, c’est sa dimension satirique qui fait la force du livre. Lorsqu’Antoine entame sa carrière musicale et rencontre Julien, le récit prend un virage plus sérieux. La mort de la femme de Julien est irrémédiable et entraîne la condamnation sans appel du monde qui opprime ainsi les faibles. Antoine apprend qu’il y a des limites au pouvoir de l’argent et de la célébrité et apprend aussi qu’il peut agir pour changer les choses sans avoir besoin de sommes colossales ou de l’adulation des foules.

Bref, c’est un roman qui a les qualités de ses défauts. De par son style échevelé, il s’apparente à un certain courant de la littérature québécoise plus soucieux de style que de substance. Quand Antoine Stratocumulus, après avoir « mordu la poussière », se relève de la scène en recrachant ladite poussière, l’image peut faire sourire, mais elle nuit aussi à la continuité de la narration : un esprit chagrin se demandera combien de grains de poussière il peut y avoir sur une scène de spectacle. Le merveilleux dynamitera alors l’histoire qui est racontée et les lecteurs n’auront pas à la prendre au sérieux ! Ce serait si « forçant » pour nos jeunes lecteurs d’être sérieux l’espace de quelques pages !

Néanmoins, Mylène Goupil dépasse rarement la mesure et démontre que pratiquer ce jeu systématiquement peut non seulement faire sourire mais aussi faire réfléchir. La combinaison est difficile à réussir et je crois que les jeunes d’esprit sauront apprécier ce livre à sa juste valeur. [JLT]

  • Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 93-94.

Prix et mentions

Concours pour jeunes auteurs – Prix du meilleur roman 1992

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1992, p. 27.
  • Hubert, Julie, Québec français 87, p. 17-18.
  • Luneau, Pierre-Greg, Lurelu 15, n˚ 2, p. 16.
  • Martel, Julie, Solaris 101, p. 65-66.