À propos de cette édition

Éditeur
Le Nouvelliste
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Nouvelliste, vol. XXXIII, n˚ 46 (supplément de Noël)
Pagination
22 ; 24
Lieu
Trois-Rivières
Date de parution
24 décembre 1952

Résumé/Sommaire

La fée Grand’Mère étant rendue à un âge fort avancé, elle demande une faveur au bon Dieu : passer un dernier Noël sur la terre mauricienne. En échange, Dieu lui demande de faire don de ses deux cœurs. C’est ainsi que la famille Boisvert, qui n’avait que des garçons, reçoit une fille en cadeau, et les voisins, la famille Leduc, un garçon. Les enfants grandissent et, devenus adultes, veulent s’épouser. Le père de Noëlla, devenu alcoolique et méchant depuis la mort de sa femme, refuse. Son amoureux, Benoit, part alors pour les chantiers. Le soir de Noël, la jeune femme quitte la maison en pleine tempête et meurt gelée. Vingt ans plus tard, Benoit Leduc se laisse mourir de la même façon et au même endroit que Noëlla, dans la nuit de Noël.

Commentaires

Fortement imprégné de romantisme, marqué d’envolées lyriques sur la beauté du paysage mauricien et ancré dans la magie de Noël, ce conte n’est pas dénué de charme et d’intérêt malgré le poids des traditions religieuses qui ponctuent inexorablement le passage du temps. Les ingrédients qui font un bon mélodrame ne manquent pas : l’amour contrarié des jeunes amoureux, l’alcoolisme du père Boisvert, le destin tragique des deux « enfants » de la fée. Au fond, il n’est pas étonnant qu’ils connaissent un sort identique.

Ce qui étonne toutefois, c’est la cohabitation d’un univers mythologique ou païen et d’un monde chrétien qui fait en sorte que la fée Grand’Mère demande une faveur au bon Dieu. Habituellement, on est dans un registre merveilleux ou dans un registre religieux chrétien, mais pas dans les deux en même temps. Dans la mesure où le second a visiblement préséance, cela ne semble pas indisposer les autorités religieuses. Le curé de la paroisse n’est même pas surpris du cadeau fait aux deux familles et ne rechigne pas à baptiser les deux enfants.

« Les Deux cœurs de la fée Grand’Mère » n’est pas un conte bêtement édifiant. Monique Valois rappelle le dur labeur des paysans, l’exil des hommes dans les chantiers en hiver, la frugalité de la vie sur une ferme, l’alcoolisme qui guette tout un chacun.

Dans les contes fantastiques du XIXe siècle, tout manquement à la charité chrétienne ou toute transgression des règles religieuses est sévèrement sanctionné. Ici, toutefois, c’est la fée Grand’Mère qui se substitue à la justice divine en disant au père Boisvert qu’il sera puni pour n’avoir pas pris soin du cadeau qu’elle lui a fait jadis. On croit qu’il va mourir quand son cheval s’affole et court « comme un coursier sorti de l’enfer ». Mais non ! Son châtiment, ce sera la mort de sa fille, une innocente victime. Le destin de Noëlla étant lié à celui de Benoit, il y aura une victime collatérale. Une telle fin signifie clairement que Monique Valois voulait prendre ses distances avec le conte de fées traditionnel au dénouement convenu et rassurant. [CJ]