À propos de cette édition

Éditeur
VLB
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Part d'abîme
Pagination
81-90
Lieu
Montréal
Année de parution
1987
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dora, la nouvelle voisine, trouble Blaise. Mais quarante ans de solitude ont soudé ses rêves à l’intérieur de lui-même. Il a tout d’abord dessiné la belle, tapissé de son image les murs de sa bergerie transformée en sanctuaire, pour ensuite modeler l’être aimé dans la glaise. Un matin, Dora va cueillir des bleuets. Blaise la suit. Dora lui dit que le premier à remplir son seau pourra demander une faveur à l’autre. Gagnante, elle exige qu’il lui fasse l’amour, là, tout de suite. Il s’exécute. Blaise veut lui déclarer son amour mais elle se sauve. Elle revient, pour lui pense-t-il, mais elle a oublié son seau. Le rouge aux joues, Blaise brandit son poignard. Ramenant le corps dans son sanctuaire, il le dépose à côté de la statue. Le lendemain, on les retrouvera tous trois immobilisés à jamais dans une gangue de nacre.

Commentaires

Beaucoup d’émotions dans ce texte de Bonenfant, qui passent tant par le rythme de l’écriture que par la thématique. Ce n’est pas la première fois qu’un auteur s’essaie à décrire les sentiments du reclus ou du timide face à un amour dévastateur. Ici, l’exacerbation est poussée à sa limite et Blaise, ce solitaire de toujours, verse peu à peu dans l’excentricité, dans la folie pure et simple. Sa relation inespérée avec l’objet de son amour l’amène à un niveau sentimental insoutenable. Alors, quand il s’aperçoit que Dora n’y a vu qu’une passade galante, il bascule. Tout son univers bascule, s’effondre. Et c’est le drame, inévitable. L’inégalité des sentiments des partenaires devient, comme il arrive souvent dans la réalité, le véritable mobile de l’acte. Car la trahison, même involontaire, blesse toujours.

La fin du texte, quant à elle, bascule nettement dans le fantastique. De retour à la grotte, Blaise étend côte à côte ses deux amours, celui de chair qu’il a poignardé, celui de glaise qu’il a aussi poignardé dans un moment de désespoir prémonitoire. De la statue sortira une matière blanchâtre qui transformera le trio en une œuvre d’art à l’abri du temps. Malgré la beauté de l’image, cette façon de conclure laisse le lecteur sur son appétit. Après avoir goûté la puissance des sentiments de Blaise, cette fin abrupte et statique fait figure d’éteignoir et on se surprend à penser que l’auteur, à bout d’inspiration, nous a possédés par cette peu habile pirouette finale.

Réjean Bonenfant a du talent, ça se sent. Aussi, « La Dora d’argile » demeure une belle nouvelle quand même, quoique décevante par l’intrusion d’un fantastique mal employé.  [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 48-49.