À propos de cette édition

Éditeur
Guérin
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Les Saisons littéraires 4
Pagination
187-193
Lieu
Montréal
Année de parution
1995
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Au cours d’une banale promenade au parc, un homme retrouve par hasard son ami d’enfance, un certain Marcel Lallemand, qui lui raconte les coïncidences insolites dont est parsemée sa vie, et qui le poussent à croire qu’il décédera bientôt. Cela, exactement comme son alter ego Marcel Litalien, ayant vécu cent ans plus tôt, ayant eu une famille en tous points semblable à la sienne (incluant le nom de ses frères et sœurs), ayant exercé le même métier, puis étant finalement mort un certain 28 février dans un terrible accident de voiture à cheval.

Commentaires

Cette nouvelle, écrite sur un ton fort sympathique, tient habilement son lecteur en haleine du début à la fin. Pourtant, son thème central, « le double », n’a rien de si étonnant, pour une nouvelle fantastique. Comment fait-elle, alors, pour nous garder intrigués ?

De la combinaison des intérêts de l’auteur pour l’écriture, la généalogie et les archives, il résulte une sorte d’enquête légère, livrée à petites doses à grand renfort de jeux de lettres, comme en témoignent les allitérations, les répétitions et les dénominations similaires se rapportant à l’un ou l’autre des protagonistes du duo historique (Marcel Lallemand contre Marcel Litalien ; l’un vécut à Beaumont, l’autre à Beauport ; le premier aurait écrit D’une île à l’autre, tandis que le second aurait publié D’une rive à l’autre).

Le jeu s’étend au monde des chiffres grâce aux dates de naissance des deux personnages concernés (1955 ou 1855), aux coïncidences circonstancielles liant leur vie et même aux ressemblances physiques dites évidentes entre eux. Ces éléments, additionnés au thème de la descendance abordé dans le récit (avec Marcel Litalien, qui aurait jadis croisé le grand-père de Marie Malouin, que Marcel Lallemand a lui-même rencontrée lors d’un voyage à Anticosti), donnent bien du fil à retordre à la thèse du hasard que tente de défendre le narrateur, pour laisser place graduellement à l’agencement presque mathématique des faits et gestes de chacun.

Malgré l’annonce, et ce depuis les toutes premières lignes, de la mort probable du personnage central (ici, monsieur Lallemand), l’auteur a tout de même su retarder le verdict final, soit la résolution de son intrigue, jusqu’au tout dernier mot du récit, ce qui n’est pas si courant.

Enfin, cette histoire nous est principalement livrée par les dialogues entre les personnages, qui sont plutôt vifs et rondement menés. On y tient toujours compte de la réaction probable ou des questionnements vraisemblables du lecteur… qui se fait régulièrement damer le pion par les répliques du vieil ami de Marcel réagissant avec vivacité quelques secondes avant lui. D’ailleurs, la compassion du narrateur pour Lallemand, lorsqu’il affirme : « Je savais que Marcel était demeuré enfermé chez lui, refusant toute compagnie. J’essayais d’imaginer ce qu’il pouvait ressentir. J’étais mal pour lui. », ressemble infiniment à ce que finit par ressentir le lecteur lui-même à l’égard du personnage central du récit. Irions-nous jusqu’à en déduire que le double du narrateur serait, de manière tout à fait calculée… le lecteur ? [MEL]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 116-117.