À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Titre et numéro de la collection
Chacal - 2
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
185
Lieu
Saint-Laurent
Année de parution
1997
ISBN
9782890516472
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Ils sont en troisième secondaire et font partie d’une classe spéciale qui regroupe tous les participants de la troupe de cirque de l’école. Alors que leur professeur annonce qu’ils vont peut-être pouvoir présenter leur spectacle à Montréal dans le cadre du Salon des jeunes, Nathalie trouve, non loin de la cabane où elle se réunit avec Marc et Robert, une étrange machine. Pendant qu’ils essaient de savoir comment elle fonctionne, la machine fabriquera un double parfait de Nathalie. Marc et Robert voudront aussi le leur et ils tenteront diverses expériences avec eux jusqu’à ce que Louis, leur professeur, découvre leurs supercheries.

Bien entendu, ils devront rendre la merveilleuse machine qui, en fait, est un prototype perdu par l’Institut national de recherche. Mais, alors que, au grand dam des jeunes, la commission scolaire refuse le projet de spectacle de la troupe à Montréal, la machine leur permettra de résoudre ce problème : elle fabriquera les doubles de toute la classe, qui pourra ainsi aller donner son spectacle alors que les scientifiques pourront étudier le comportement de tous ces doubles.

Commentaires

Décidément, je ne m’habituerai jamais. À chaque année, je tombe sur un roman pour la jeunesse qui, truffé de bonnes intentions, accumule toutes les gaffes narratives possibles ! Pourtant, avec Doubles Jeux, Pierre Boileau montre qu’il n’éprouve aucun problème avec la langue. Même que c’est fort bien écrit. Non, c’est au niveau de la vraisemblance littéraire que tout dérape : caractérisation des personnages, enchaînement des actions, justification des retournements, synergie de l’histoire, rien n’est crédible. Mais procédons de façon logique…

Tout d’abord, l’idée de base : un prototype d’« ordinateur », parfois qualifié de « robot », reproduit tout ce qu’il voit. De la machine et de son fonctionnement, nous saurons peu – et avec raison : comment expliquer un ordinateur qui « voit » et qui peut recréer, à partir de matériaux de recyclage divers, n’importe quoi et surtout un être humain ? Si l’auteur connaissait mieux la littérature de science-fiction et de fantastique, il aurait vu le cul-de-sac dans lequel il se plaçait : la SF a besoin d’explications pour qu’on y croit alors que le fantastique, qui participe de l’inexpliqué, de l’inexplicable, n’en a cure. Or, Boileau mélange atrocement les deux genres en n’explicitant pas sa machine, qui est donc invraisemblable. La solution était pourtant simple : Nathalie découvre plutôt un objet mystérieux – du genre amulette ancienne, statuette amérindienne, manuscrit alchimique, que sais-je… – ayant des pouvoirs inexpliqués, dont celui de reproduire les humains. Ainsi, en embrassant la manière « fantastique », la vraisemblance narrative n’aurait pas eu besoin d’explications rationnelles et, déjà, l’ensemble aurait été nettement plus satisfaisant – et si l’auteur tenait absolument à présenter des scientifiques, il n’avait alors qu’à imaginer que ces derniers tentaient des expériences sur l’objet mystérieux afin de découvrir son pouvoir… sans encore y être parvenus.

Deuxièmement, les personnages. Stéréotypés – bienvenu le modèle « bon gars bonne fille » –, c’est le moins qu’on puisse dire. Leur réaction face à leur découverte est aberrante : pas une fois ne se posent-ils la question du véritable « comment », pas une fois n’essaient-ils de savoir en quoi les doubles sont différents d’eux, pas une fois n’expérimentent-ils sur eux afin de découvrir leur nature – en fait, ils les acceptent tels quels et ne les touchent même pas ! – pas une fois ne pensent-ils aux implications incroyables engendrées par leur simple existence/création. Non, ces jeunes, pourtant normalement constitués et que l’on dit intelligents, ne pensent qu’à résoudre leurs petits problèmes quotidiens : comment s’assurer que la classe pourra faire le voyage à Montréal, comment se servir des doubles pour sécher quelques jours de classe, etc. Plus génération « Passe-Partout » que ça, tu meurs ! À vrai dire, tous les personnages du roman sont aussi terre-à-terre, sans vision d’ensemble, sans imagination.

Et puis il faudrait que je parle du manque d’intégration des différents fils narratifs – dont celui des “savants” de l’Institut national de recherche, qui ne sert qu’à créer un faux suspense –, que j’explique comment l’auteur demeure toujours à la surface des événements et des personnages, comment cette non-implication narrative produit des séquences quasi surréalistes – Louis, le professeur, découvre que ses élèves ont produit des doubles d’eux-mêmes et sa réaction, après avoir pris connaissance de toute l’histoire, est de dire : « Il est tard, vos parents vont s’inquiéter. Vous me promettez de ne plus utiliser les doubles et je vous donne deux jours pour remettre le robot à ses propriétaires. » (p. 145) Bordel ! Trente ans de réforme de l’éducation pour en arriver là ? Pas étonnant que des jeunes sèchent les cours devant aussi peu d’imagination professorale !

Je pourrais continuer ainsi pendant des pages, mais je crois la démonstration suffisante. Doubles Jeux est un roman qui fait fi de l’intelligence et de la capacité d’émerveillement de son lectorat en déniant ces qualités à ses personnages. Dès lors, et en ne respectant pas la plus élémentaire des vraisemblances, le désastre était prévisible, nonobstant la qualité d’écriture de l’auteur et ses bonnes intentions. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 27-28.

Références

  • Drolet, Jean-Denis, Lurelu, vol. 20, n˚ 3, p. 20.