À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 82
Pagination
31-34
Lieu
Hull
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À East Glouster, les hommes, réunis à la taverne, parlent encore de la belle Betty Farrow, disparue il y a vingt ans. On ressasse aussi les vieilles légendes, dont celle de l’Anglais venu s’installer dans un manoir au-delà des marais. Dans l’une de ses chambres s’éveille justement un jeune homme amnésique, en ce soir de pleine lune.

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Commentaires

Il peut paraître surprenant de voir Gilles Pellerin aborder le thème du vampire tant le fantastique qu’il pratique n’a rien de canonique. Le trai­tement qu’il en fait est cependant tout à fait moderne et le récit se termine avant même que se produise l’acte de vampirisme qui est au cœur de tous les récits de ce genre.

L’auteur n’en rejette pas les codes : le manoir, la nuit de pleine lune, la côte de la Nouvelle-Angleterre, tout est bon pour Gilles Pellerin qui ins­talle son récit dans la tradition des conteurs fantastiques américains (Poe, Hawthorne) en nous plongeant dans la Nouvelle-Angleterre profonde. Le texte possède une dynamique interne qui part d’un point de vue général pour se concentrer graduellement sur un lieu précis et clos.

La réussite de la nouvelle tient dans cette opposition qui naît entre les deux parties principales du texte. Pellerin nous montre deux mondes que tout sépare : le village d’East Glouster et le manoir. D’une part, il brosse un tableau vivant des habitants de ce petit village côtier. La vulgarité, le caractère frustre et inculte et les croyances caractérisent ces hommes de la mer. D’autre part, il décrit un lieu, le manoir, imprégné de bon goût, de finesse, de culture et de manières aristocratiques, un monde figé parce qu’immortel. Le premier tableau se présente en quelque sorte comme le reflet mauvais, pervers et honteux du maître du manoir, vampire de son état.

Gilles Pellerin joue habilement les contrastes qui opposent ces deux mondes. L’écriture participe à cette dichotomie. Dans la première partie, les phrases sont courtes et directes. Dans la seconde, le style est plus littéraire, la phrase plus longue et ouvragée, traduisant magnifiquement la différence de culture, cette culture livresque qui assure la supériorité du maître du manoir sur le petit peuple et lui confère son immortalité.

L’auteur ajoute ainsi une dimension sociologique au thème du vampire, en faisant autre chose qu’une simple réduction à une obsession maladive du sang chaud, à une malédiction qui se nourrit de perversions. Excellente trouvaille aussi que l’amnésie momentanée du maître du manoir qui décou­vre peu à peu, en même temps que le lecteur, son identité.

« East Glouster, Mass. » avait été retenu pour Crépuscules, le collectif fantastique monté par René Beaulieu qui devait paraître en 1986 aux éditions Le Préambule. Il est heureux que cette nouvelle soit enfin publiée. Elle constitue une remarquable réappropriation de la tradition fantastique anglo-saxonne. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 151-152.