À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
imagine… 42
Pagination
83-117
Lieu
Montréal
Année de parution
1987
Support
Papier

Résumé/Sommaire

En visite au Contrasta, petit État dictatorial de la planète Ukasia, Orléane Sanders est mise en contact avec Dermoigne, un être qui vit dans une autre dimension. Il travaille pour l’Alliance Hypergalactique qui encourage et favorise l’action de la SciSoTech, entreprise vouée à la circulation de l’information dont fait secrètement partie Orléane. La SciSoTech veut miner le régime despotique d’Oscaria en piratant les ondes de la seule chaîne télévisuelle du pays qui appartient à l’État.

Commentaires

Tout comme « La Salle de la mort volontaire », cette nouvelle d’André Trognée a pour cadre la planète Ukasia mais l’action s’y déroule soixante-six ans plus tôt, au moment de l’avènement de la Fédération Ukasienne.

Les deux textes diffèrent cependant autant au niveau thématique qu’au niveau stylistique. « L’Effet SciSoTech » énonce une théorie tout à fait pertinente : la circulation de l’information est la meilleure arme pour favoriser la libération des peuples colonisés de l’intérieur ou de l’extérieur. Cependant, Trognée utilise un langage qui rend confuse et inutilement compliquée une idée au fond très simple. En parlant de l’homme et du travail de conscientisation que provoque l’information, Dermoigne dit : « C'est le seul animal d'Ukasia qui utilise son organisme cellulaire en autogénérescence associative continue qui enclenche le procussus de mémoire à l'aide duquel il modifie son environnement en y introduisant une plus-value informationnelle progressive ».

Cette surenchère de formules pompeuses n’est pas le seul défaut du texte qui souffre aussi d’un didactisme affligeant quand Dermoigne livre sur plusieurs pages son enseignement à Orléane. J’aime bien la forme dialoguée mais dans le cas présent, elle ne réussit pas à insuffler un dynamisme dans la communication et une vitalité à l’écriture.

Si l’auteur expose sa théorie, il oublie de nous en montrer les effets concrets dans la pratique. Le régime d’Oscaria est toujours en place à la fin de la nouvelle. En outre, le récit évoque constamment la figure mythique de Miguélé, sorte de Che Guevara qui doit libérer le peuple mais qui n’est peut-être qu’une création populaire. Quelle est son utilité puisqu’il ne semble pas faire partie de la stratégie de la SciSoTech ?

Sans le savoir peut-être, André Trognée prend finalement le contre-pied du recueil de Jean-Pierre April, TéléToTaliTé, pour qui la télévision est un instrument de soumission des masses populaires. « L’Effet SciSoTech » propose certes une théorie valable, mais cette conception de la révolution par l’information se teinte un peu de naïveté en raison de l’entrée en scène de Dermoigne. De quel monde vient-il ? Faut-il la complicité, l’aide bienveillante d’un être supérieur pour que la conscientisation des masses aboutisse ? Ces questions détruisent en partie la crédibilité de la théorie de l’auteur. Elles introduisent par contre une idéologie corollaire, celle voulant que le développement humain soit une succession de marches que doit gravir l’homme pour atteindre un état supérieur. Cette idée a déjà été développée par Paule Doyon dans « Jason et la toison de lumière », nouvelle qui fait partie du recueil Rue de l’acacia.

Le fait que « L’Effet SciSoTech » constitue un extrait d’une œuvre considérable explique sans doute quelques-unes des faiblesses criantes du texte. Ainsi, l’épilogue de quelques lignes ajouté pour dissiper l’impression d’être abandonnné au milieu du récit ne fait pas oublier la fin abrupte de la nouvelle. Il peut être profitable de tâter la réaction du lecteur, d’éprouver la valeur de la fiction de Trognée en distillant dans une revue des fragments d’une œuvre mais cette façon de procéder a quelque chose de frustrant pour le lecteur.

André Trognée a des choses intéressantes à dire mais il lui reste encore un travail important à faire sur la forme. À cet égard, même si elle comportait les mêmes lacunes et des défauts tout aussi patents, la nouvelle précédente, « La Salle de la mort volontaire », m’est apparue beaucoup plus intéressante. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 180-181.