À propos de cette édition

Éditeur
La courte échelle
Titre et numéro de la collection
Roman + - 28
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
155
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782890212039
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Stacey, d’origine haïtienne, et son inséparable ami Pierre, un Bleuet, ont décidé d’aller passer leurs vacances à Montréal. Ce sera pour le premier l’occasion de retrouver son frère Yannick, dont il est sans nouvelles depuis un an. Or, de Yannick, plus de trace, ni au numéro de téléphone ni à l’adresse que possédait Stacey. Pendant leur séjour dans la métropole, les jeunes ont tôt fait de constater que les guerres entre les bandes de différentes ethnies sont sans merci.

Ils apprennent que Yannick vit maintenant dans un entrepôt désaffecté. Les deux jeunes s’y rendent, et Pierre découvre un œil de verre qui l’intrigue. En regardant à travers, il est victime d’hallucinations, pressent une présence mauvaise et se met à délirer. Stacey lui enlève l’œil et le met dans sa poche. Soudain, plusieurs silhouettes se dressent autour d’eux. L’entrepôt sert de repaire aux Vlinbindingues, une bande formée d’Haïtiens. Le chef de la bande apparaît : c’est Yannick, dont le regard est dissimulé par d’épais verres fumés ! Les retrouvailles sont un peu tièdes ; Stacey trouve son frère changé. Plus tard, dans une discothèque, un Noir armé fait irruption dans le but d’abattre Yannick, qui se fait appeler Mèt Y par ses acolytes. Or ce dernier semble subjuguer le forcené, qui finit par retourner l’arme dans sa bouche et tirer, au plaisir apparent de Mèt Y.

Plus tard, au repaire des Vlinbindingues, une terrible bagarre éclate entre ces derniers et des skinheads. Stacey lui-même s’en mêle et y prend plaisir. Après la bagarre, il envoie Pierre chez le diable. Il n’est plus lui-même. Pierre erre dans la ville. Il finit par surprendre une rencontre inusitée dans un endroit isolé : Mèt Y et le chef des skins se parlent dans une langue inconnue, comme de vieux copains. Les deux enlèvent leurs verres fumés.

Il s’avère finalement que ceux-ci ne sont plus humains mais des créatures d’un autre monde qui, grâce à leurs yeux de verre, se nourrissent de la violence qu’ils entretiennent autour d’eux. Or il manque un œil au skin, c’est celui que Stacey et Pierre ont trouvé. Il se meurt, ne pouvant plus se nourrir. Lors de l’affrontement final, Stacey parvient à détruire les créatures en utilisant le nom secret, qui gît gravé au fond de l’âme de chacun, tuant du même coup son frère Yannick, puisque la fusion avec ces êtres est irréversible.

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Commentaires

En lisant L’Emprise de la nuit, je suis certain qu’aucun adolescent n’aura la désagréable impression de lire des enfantillages. Voilà une histoire pour les durs de durs, avec son cortège d’endroits sordides, de bandes de jeunes, de violence et de mort. Le tout est servi sur un rythme trépidant, entrecoupé de passages de transition où le lecteur peut reprendre son souffle. Le climat de violence propre à l’univers des bandes est illustré dès le deuxième chapitre, lorsque les deux copains, dans le métro, ont affaire à une bande de skins qui dépouillent Stacey de sa veste de cuir sans que personne ne juge bon d’intervenir. Et ce n’est là qu’un hors-d’œuvre, car dans la scène de l’affrontement entre les deux bandes, plus loin, on s’étripe, on se réduit le visage en bouillie. Le pire, c’est que ces scènes sanglantes ne sont que le reflet de la réalité des grandes villes.

Lors de ma première lecture, j’ai été très surpris par tout cet étalage de brutalité. Loin de moi l’idée de jouer les vierges offensées ; je n’aurais simplement jamais cru que l’on pouvait y aller aussi crûment en littérature jeunesse. On ne retrouve rien de comparable, en tout cas, chez nos autres spécialistes en fantastique/horreur tels Daniel Sernine et Denis Côté.

Le moteur de L’Emprise de la nuit, son élément fantastique, fait une discrète apparition au chapitre 3, sous la forme de l’œil de verre à travers lequel Pierre va regarder. Il se met à tituber comme un ivrogne, à tenir des propos incohérents, puis à parler d’une présence qui menace son esprit. Plus loin, Pierre ajoutera que cette présence se déplace sur un autre plan de la réalité, élément typiquement lovecraftien – comme quoi Péan ne renie nullement ses influences. Bref, l’auteur accorde juste ce qu’il faut d’importance à cet élément pour semer quelque chose chez le lecteur, avant de continuer son récit. Quelques mots ici et là, par la suite, entretiendront l’intérêt ; parfois, l’œil émet une lueur bleue ainsi qu’un peu de chaleur, et le lecteur finira par s’apercevoir que cela coïncide avec un sentiment de colère chez les personnes présentes.

Difficile de dire, ici, si le lecteur ado sera « en avance » dans ses déductions sur les personnages du roman, mais le lecteur adulte et perspicace, lui, trouvera peut-être un peu redondantes ces manifestations au fil du roman. S’il est un moment dans le récit où le lecteur a la nette impression de basculer dans l’horreur, c’est dans la scène de la discothèque, lorsqu’il devient indéniable que c’est Mèt Y qui pousse le jeune Noir à retourner son arme dans sa bouche, avec un sourire qui lui donne « un air de cobra en train de charmer sa proie ». À partir de ce moment, le doute n’est plus permis : il va se passer des choses abominables dans cette histoire. Dans cette scène, l’action est décomposée juste ce qu’il faut, la lecture suffisamment ralentie pour bien frapper le lecteur.

La meilleure scène du roman est peut-être celle où Pierre raconte qu’il a vu Mèt Y et le chef des skins, son supposé ennemi juré, s’entretenir ensemble comme de vieilles connaissances. Non seulement s’agit-il d’un coup de théâtre, mais c’est ici que tous les éléments étranges se rejoignent et que l’on découvre ce qu’est l’œil de verre et à quoi il sert, et de là la nature de l’entité pressentie plus tôt par Pierre. S’il faut vraiment chercher un défaut à cette scène, on pourra dire que la langue utilisée, vocabulaire et figures, manque d’oralité, qu’elle est un peu riche pour sortir de la bouche de Pierre.

Soulignons que ce roman échappe au traditionnel et souvent désolant happy end, et qu’il y a tout lieu de croire que d’autres créatures semblables sévissent ailleurs dans le monde, et qu’elles sont probablement la source de toute cette violence que les médias diffusent.

En conclusion, disons que Péan secoue rudement ses jeunes lecteurs. Et je crois que ces derniers vont raffoler de ce roman, sans doute le meilleur que j’ai pu lire dans ce genre. Et toute cette violence, diront les parents, ne va-t-elle pas contribuer à rendre nos jeunes plus violents ? Je crois au contraire qu’il s’agit là d’une soupape de sûreté, d’un défoulement. De toute façon, il s’en trouvera toujours pour se lancer par une fenêtre après avoir vu Superman pour la première fois, si on me permet l’analogie. [CB]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 148-150.

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 27-28.
  • Anctil, Mélissa, imagine… 67, p. 196-197.
  • Frenette, Jean, Québec français 92, p. 107.
  • Lacroix, Pierre, Lectures, vol. 1, n˚ 2, p. 10-11.
  • Lacroix, Pierre, Temps Tôt 27, p. 24-25.
  • Lortie, Alain, Solaris 108, p. 59.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 16, n˚ 3, p. 18.
  • Ollivier, Dominique, Images, vol. 2, n˚ 9, p. 21.
  • Vallerand, Marie, Québec français 90, p. 130.