À propos de cette édition

Éditeur
Triptyque
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
182
Lieu
Montréal
Année de parution
1997
ISBN
9782890312609
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[9 FA ; 1 SF ; 3 HG]
L'Impressionnisme
La Clé des champs
Roland Dupont
Edmond Verneuil
Les Anneaux
La Dame blanche
Le Dimanche
Nostalgie
L'Optométriste
Le Goéland blessé
L'Enfance est une île
Les Fictifs
La Fauvette à croupion jaune

Commentaires

Pierre Chatillon est une figure majeure du paysage littéraire québécois. Depuis quarante ans – sa première publication, un recueil de poèmes intitulé Les Cris, a vu le jour en 1957 –, l’auteur de Nicolet chante la nature en général et, plus particulièrement, celle de son coin de pays, fleuve Saint-Laurent en tête.

Si j’avais été quelque peu déçu par son dernier recueil de nouvelles, L’Atlantidien, destiné à un auditoire adolescent, il n’en va pas de même avec L’Enfance est une île, recueil qui se compare, en qualité et en cohésion d’ensemble, à La Vie en fleurs (1988) que j’avais commenté ici même il y a près d’une décennie.

Bonne qualité, donc, puisque Chatillon nous propose treize nouvelles qui, à une exception près, sont d’excellente facture, mariant bien la forme et le propos, le style devenant lyrique, nostalgique ou passionné lorsque l’histoire le demande, ou précis et rapide lorsque le rythme l’exige. Et qu’on ne s’y trompe pas, ils sont rares les écrivains capables d’accorder parfaitement leur plume lorsqu’ils flirtent avec des thématiques casse-gueule comme la beauté de la nature, le charme des amours naïfs ou le dérèglement des sens. La plupart sombrent alors dans la mièvrerie, ou répètent les éternels poncifs ; quelques-uns poussent même l’odieux en associant les deux ! Pierre Chatillon, dans L’Enfance est une île, évite avec brio ces écueils sournois… sauf dans la nouvelle « Les Anneaux » où, mettant en scène un extraterrestre et sa soucoupe volante, il démontre bien que sa manière, plus proche de la poésie que de la rationalisation, ne se prête guère aux exigences de vraisemblance indispensables à tout texte de science-fiction qui se respecte !

Treize nouvelles, donc, et une harmonie de ton entre douze d’entre elles – l’exception SF étant déjà citée – même si l’auteur nous propose, à son habitude, un mélange de textes réalistes (3) et fantastiques (9). C’est qu’en bon poète, réalité et imaginaire se confondent souvent chez Chatillon, d’où sa propension à parsemer son œuvre de nouvelles qui participent à la fois de l’onirisme et du surréalisme, et donc du genre fantastique, mais qui sont en fait surtout de la prose poétique. Ces textes, où il va sans dire que la vraisemblance est souvent malmenée, s’intègrent mal aux courants « classiques » du fantastique et rejoignent rarement les amateurs du genre, peu habitués à ce qui pourrait être qualifié de laxisme de la part de l’auteur ; heureusement, le public traditionnel de Chatillon n’a pas ces exigences de « rationalité-dans-l’irrationnel ». Un bel exemple de ces envolées poétiques se trouve dans la nouvelle « Le Dimanche », où l’action débridée ne s’embarrasse guère de rationalité, le délire narratif cherchant plutôt à transmettre les états d’âme du narrateur, l’égarement poétique de sa réalité et la puissance enivrante de son imagination.

Plus classiques dans leur structure, des textes comme « L’Impressionnisme », l’idylle passionnée du narrateur avec une femme peinte par Renoir, « La Dame blanche », belle variation sur les obsessions picturales d’un peintre et leurs conséquences sur son destin, ou « Nostalgie » – les souvenirs de la narratrice redonnent corps à Raoul, son mari, tel qu’il était au début de leur mariage, mais les agissements de ce dernier la confortent dans sa décision de l’avoir quitté –, se marient bien avec ceux qui font la part belle à des envolées plus lyriques de l’imaginaire, comme « La Clé des champs », où le thème du double est à l’honneur, « Edmond Verneuil », dont le narrateur s’est échappé sans le savoir d’une photographie ancienne et « L’Optométriste », qui nous rappelle comment nos yeux sont fermés aux beautés qui nous entourent quotidiennement, ce qui n’était pas le cas dans notre jeunesse.

Si L’Enfance est une île montre une belle cohésion, c’est peut-être parce que les trois textes réalistes qu’il contient – « Le Goéland blessé », « L’Enfance est une île » et « La Fauvette à croupion jaune » – participent eux aussi à ce grand happening des souvenirs et de la nostalgie de l’enfance, quand tous les regards étaient neufs et toutes les émotions nouvelles. De plus, et cela montre comment l’imaginaire de Chatillon chevauche les limites réalisme/ fantastique, on retrouve, à l’intérieur de la longue et belle nouvelle « Le Goéland blessé », qui raconte les derniers jours de Guy Beauchemin, atteint d’un cancer incurable, une courte nouvelle déjà recensée ici (ASFFQ 1992, p. 58-59), « La Ligne de cœur ». Dépeint dans cet ensemble comme une rêverie du narrateur, ce texte enchâssé dans la nouvelle perd toute prétention fantastique au passage… sans pour autant que soit diminuée la force de la vision que l’auteur y déploie. Ce glissement du fantastique vers l’onirisme est l’exemple parfait de l’osmose qui lie réalité et imagination dans le creuset créatif de Pierre Chatillon. Réalisme magique, alors ? Encore là, pas vraiment, ou alors d’une façon propre à l’auteur qui le place en marge du courant classique…

Pierre Chatillon est une voix à part dans notre littérature ; son recueil L’Enfance est une île en donne une éloquente démonstration. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 64-67.

Références

  • Durand, Frédérick, imagine… 78, p. 155-157.
  • Olscamp, Marcel, Le Sabord 47, p. 46.
  • Potvin, Claudine, Lettres québécoises 88, p. 26.