À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Logiques
Titre et numéro de la collection
Autres mers, autres mondes - 11
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Sol
Pagination
103-151
Lieu
Montréal
Année de parution
1991
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À quatre cent soixante années-lumière de la Terre, le Prince de Viridiane entreprend une quête qui doit le mener vers la planète d’origine de ses ancêtres. Il est reçu sans chaleur par les autorités terriennes qui l’autorisent à visiter le continent nord-américain. Le Prince découvre une planète malade de pollution, une population miséreuse prête à croire tous les faux prophètes qui promettent un avenir meilleur ailleurs. À Troie, il tombe aux mains d’une secte d’illuminés, les Purificateurs, qui s’apprêtent à le lyncher quand il est sauvé in extremis par l’intervention désespérée de l’Astrochèle Navigante qui l’accompagne à distance. Déçu par ce qu’il a vu, le Prince retourne sur sa planète mais revient quinze ans plus tard pour trouver réponse aux questions qui continuent de l’obséder.

Commentaires

« L’Enfant des Mondes Assoupis » est un très beau texte d’Yves Meynard, ambitieux, riche en symboles, à mi-chemin entre la fantasy et la science-fiction. La Terre d’où ont émigré les ancêtres du Prince de Viridiane exerce une fascination sur l’enfant qui voudrait percer le mystère de ce monde. Par ailleurs, l’univers des Mondes Assoupis où vit le Prince représente une énigme pour les explorateurs terriens. Qui a ordonné ce monde trop parfait pour ne pas avoir été mis en place par une race supérieure ?

Ce qu’il y a d’intéressant et de novateur dans cette nouvelle, c’est l’inversion du cheminement du personnage principal. Ordinairement, ce genre de récit nous fait traverser de l’autre côté du miroir. Un enfant, comme l’héroïne de Lewis Carroll, traverse la réalité pour voir ce qu’il y a derrière. Ici, le trajet se fait à rebours. Le Prince, qui semble provenir directement d’un univers de conte de fées, arrive sur la Terre (appelée symboliquement Merre) et voit ses illusions complètement anéanties, la réalité n’étant pas à la hauteur de ses rêves.

Il y a beaucoup de symboles dans ce texte doux-amer. Pendant quelques pages, le récit prend la forme d’une parabole qui rappelle le passage du Christ sur la terre. Le Prince est crucifié et sauvé par une intervention presque divine de l’Astrochèle Amarille. L’apparence physique de l’enfant n’est jamais clairement décrite mais un détail révélateur perce ici et là : « Ses nageoires avaient été clouées à la poutre. » Or, on sait que le Christ a souvent été représenté par un poisson… La crucifixion du Prince a lieu à Troie. Troie, trois, Trinité… Enfin, l’enfant devenu Souverain revient sur les lieux du drame et revoit Thaïs, la prostituée qui l’avait renié. Donc, beaucoup de symboles religieux qui teintent de mysticisme la quête d’identité du Prince.

Mais celui-ci n’a pas la prétention de jouer les messies et sa recherche est avant tout métaphysique. Il a compris à la fin qu’il est impossible de remonter le temps et de revivre le passé. « Il ne peut qu’accepter le sens de l’écoulement du temps. » Après viendra l’apaisement.

Le cheminement intérieur du Prince est très touchant. C’est le regard d’un enfant confronté aux réalités du monde terrien. Cela rappelle un roman magnifique de Sylvain Trudel, Terre du roi Christian. Yves Meynard réussit une évocation puissante de ce qu’est devenue la Terre. La population a migré vers les Pôles et vit dans des cités sous verre. Les zones autrefois densément peuplées sont devenues des cloaques à ciel ouvert. Un climat saisissant, apocalyptique, propice à l’éclosion des sectes religieuses : les Purificateurs, les apôtres de la Transmigration Stellaire.

Un texte exigeant, baroque, d’un symbolisme pas toujours évident, mais qui rend au centuple l’investissement qu’on veut bien lui consentir. « L’Enfant des Mondes Assoupis » témoigne de la progression fulgurante d’Yves Meynard comme écrivain. Ce pourrait bien être le meilleur texte de l’année 1991. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 119-120.