À propos de cette édition

Éditeur
Vents d'Ouest
Titre et numéro de la collection
Ado - 2
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Maison douleur et autres histoires de peur
Pagination
57-82
Lieu
Hull
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Jules Vignal s’est fait tire-laine, par nécessité – comme son ami Constant, il pratique à la sortie de la cathédrale, dont les gargouilles le fascinent. Le gamin se hâte vers son logis de misère et il a soudain une vision de la Mort, qui vient prendre la vie de sa sœur malade. Lorsqu’il arrive chez lui, sa vision s’est réalisée. Aux funérailles, il aperçoit Colin, le patron de Constant, un maître-voleur qui est aussi prestidigitateur dans un cirque, l’été. Quelque temps plus tard, Jules manque de se faire prendre dans un grand magasin et se réfugie au sommet de la cathédrale, où il croit voir bouger une gargouille. Il retourne en bas pour se réchauffer.

Une gargouille s’envole et frôle de son aile la falaise couverte de glaces, au-dessus du quartier pauvre où vivent les Vignal. Tout un pan s’en effondre, écrasant les maisons en contrebas. Et de nouveau Jules aperçoit la Mort qui dégage les gravats et récolte les derniers souffles de vie. Quand il retourne au sommet de la cathédrale, une des gargouilles est absente, « envolée ». Jules grimpe sur une gargouille, non pour un envol mais pour une chute. La voix de Colin le retient : il lui suggère un autre départ : avec lui et Constant, et le Cirque.

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Commentaires

Ce texte se situe sans accrocs dans le cycle de Neubourg, la ville créée par Daniel Sernine de manière à évoquer si puissamment une Québec d’autrefois, dans le XIXe siècle cher aux débuts de l’auteur et auquel il est resté fidèle, dans son fantastique – n’est-ce pas le grand siècle des fantastiqueurs classiques ? Mais flotte ici plutôt l’ombre d’un auteur auquel on ne pense pas toujours lorsqu’on les évoque, Victor Hugo : les gargouilles de Sernine sont les cousines de celles de Notre-Dame de Paris, tout comme le petit monde des pauvres criminalisés par nécessité renvoie à Jean Valjean et aux Misérables.

La noirceur des motifs traditionnels fantastiques (la créature maléfique, la Mort faucheuse incarnée) s’inscrit donc dans un commentaire social discret qui leur donne force de métaphore. L’Autorité, toujours problématique dans les textes de Sernine, est ici dépersonnalisée – l’orphelinat, dont la perspective accable Jules, et surtout la Cathédrale, d’où Dieu le Père semble singulièrement absent même si on peut s’y réchauffer plus ou moins clandestinement. Simple lieu de rassemblement social bourgeois, elle est seulement une occasion choisie de larcins. Et elle est couronnée par les gargouilles, créatures diaboliques et monstrueuses dont l’animation fait pleuvoir les catastrophes.

Ce n’est pas du haut que vient le salut pour le petit Jules Vignal, mais du bas – de la confrérie marginale des bas-fonds et surtout de la figure paternelle subrogée de Colin, malgré ses ambiguïtés (chef de gang, après tout…), le seul adulte véritablement salvateur : prestidigitateur, il sait se servir de ses mains, alors que le père de Jules a perdu un bras dans un accident d’atelier.

Malgré les artifices un peu trop classiques du récit (l’intervention survolante du narrateur omniscient nous montrant la gargouille puis la Mort dans leurs néfastes interventions, alors qu’on suivait de près, et ailleurs, le jeune Vignal), on a là un auteur et un texte en pleine possession de leur matériel imaginaire. [ÉV]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 179-180.