À propos de cette édition

Éditeur
Boréal Express
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
173
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[12 FA ; 8 HG]
La Gare
Santiago
Anna Méloé

Les Maisons murmures
L’Impossible Train d’Anvers
Messaline

Alors, quoi... ?
Elvire
Le Train
Lucrèce
Le Pain d’épices
Radko
L’Envoleur de chevaux
Le Livre de Mafteh Haller
Le Fil d’Archal
Le Manuscrit de Dieu
L’Alcyon de Carnac
Le Cordier de Syracuse
Le Rameau d’or
Le Trente et unième oiseau

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Commentaires

Peut-être suis-je encore sous le choc de la lecture des Demoiselles de Numidie, roman fantastique à l’imaginaire foisonnant, sensuel, roman littéraire d’une grande rigueur formelle, peut-être L’Envoleur de chevaux et autres contes m’a-t-il surpris par son kaléidoscope de sentiments exacerbés, d’émotions torturées, toujours est-il que ce recueil ne m’a pas véritablement enthousiasmé. Non pas que l’écriture de Marie José Thériault pâlisse face à ses autres œuvres, ni que son imaginaire s’atrophie, au contraire : L’Envoleur de chevaux…, qui recueille des textes datant des huit dernières années, dénote une remarquable maîtrise de la langue et un large éventail des imaginaires familiers de l’auteure.

Non, Marie José Thériault possède toujours ces avantages et semble même, si possible, les polir davantage, peut-être trop quelquefois en ce qui concerne l’écriture, versant de temps à autre dans une préciosité qui emprisonne le lecteur dans un filet d’arabesques, certes belles et ingénieuses et poétiques, mais qui l’empêche de plonger sans rémission dans cette mer imaginaire offerte. C’est le cas dans « Lucrèce », petit bijou malheureusement submergé et donc difficile à atteindre, contrairement à « Santiago », nouvelle tout aussi poétique mais plus sobre dans ses emportements.

Quoique dans cette nouvelle, le principal défaut de Marie José Thériault soit particulièrement évident : la faiblesse du scénario. On pense tout de suite à des scènes éparses, rattachées de façon artificielle par des liens de circonstance : d’abord la scène des yeux dans la tasse de thé, qui n’annonce ni ne conduit à celle de la méga-maison, qui elle non plus ne se rattache de façon solide à la troisième, celle de la colline et de Santiago, l’homme endômé. Même faiblesse dans « Alors, quoi… ? » : le lecteur se sent tiré d’un côté, puis de l’autre, comme si l’intrigue s’était créée au fur et à mesure, sans aucun plan préconçu, et que le travail de l’auteure s’était essentiellement concentré sur la langue et non sur le contenu.

Ce n’est sûrement pas dû à l’incapacité de Thériault dans ce domaine, comme en fait foi la belle construction – quoique très classique – du « Livre de Mafteh Haller ». Dans ce texte, l’écriture s’efface devant le propos, l’écrivaine cède la place à la conteuse, envoûtante, posée, sûre de ses coups de théâtre. Peut-être y a-t-il vraiment deux Marie José Thériault, ou même trois, soit l’écrivaine styliste, la poétesse lyrique et la conteuse ensorcelante ? Dans Les Demoiselles de Numidie, Marie José Thériault avait marié d’une main de maître ces trois facettes. Ici, elle nous les expose une à une, tour à tour. Peut-être est-ce la raison de mes sentiments mitigés : aimerais-je plus la conteuse que la poétesse ? Ou l’écrivaine plus que la conteuse ? Chose certaine, l’inextricable mélange de ces différentes facettes que nous proposait l’auteure dans son roman – et qui lui a valu d’être finaliste au Grand Prix de la Science-Fiction et du Fantastique en 1984 – n’existe plus dans L’Envoleur de chevaux… La magie n’est plus la même, et on la sent pâlir, comme celle de l’apprenti devant son maître.

Il me faut, avant de terminer, parler de l’amour qui se dégage de tous ces textes, que dis-je, qui sous-tend tous ces textes, sentiment tantôt cruel – « Le Cordier de Syracuse », « Messaline » et « Elvire », bien que ces deux textes n’entrent pas dans notre domaine –, tantôt humoristique – « Le Manuscrit de Dieu », « Le Fil d’Archal » –, souvent passionné – « Le Cordier de Syracuse », « La Gare » et le magnifique « Impossible Train d’Anvers », ces deux derniers n’étant pas non plus de notre domaine –, qui nous rappelle d’une nouvelle à l’autre que la mante religieuse aime tout autant que la pucelle effarouchée, quoique d’une façon toute autre, et que Dieu, ma foi…

Il y a aussi ces atmosphères décadentes que Marie José Thériault véhicule partout dans son écriture, mélange nostalgique d’aristocratie vétuste – « Lucrèce » – et de légendes – « Le Trente et unième oiseau », « L’Envoleur de chevaux », « L’Alcyon de Carnac » – qui accentue son côté précieux, souvent vieille Europe, agréablement suranné.

L’Envoleur de chevaux et autres contes : un recueil très intéressant, quoique inégal, qui nous propose une douzaine de textes pertinents à notre domaine sur les vingt qui le composent, montrant bien les liens étroits qu’entretient l’auteure avec le fantastique et le merveilleux.  [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 134-137.

Références

  • Dupont, Catherine, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 301-302.
  • Janelle, Claude, Carfax 32, p. 29-32.
  • Lamontagne, Michel, Solaris 72, p. 38.