À propos de cette édition

Éditeur
Le Préambule
Titre et numéro de la série
Cycle de Vrénalik
Titre et numéro de la collection
Chroniques du futur - 8
Genre
Fantasy
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
270
Lieu
Longueuil
Année de parution
1985
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Déçu de la vie routinière qu'il mène à Ister-Inga, Taïm Sutherland décide de quitter sa ville natale et de se diriger vers le nord. Il arrête d'abord à Ougris où il fait la connaissance d'une jeune fille aussi désabusée de la vie que lui. Chann Iskiad se sent marginale et déracinée parce qu'elle est la fille d'une femme qui a passé sa vie en prison et d'un homme du pays voisin qui n'a jamais quitté son île.

Chann et Taïm se ressemblent et c'est en partie par amitié pour elle que Taïm s'embarque pour l'archipel de Vrénalik. La fascination qu'il éprouve pour ce pays frappé d'une malédiction et qui semble s'éteindre à petit feu entre aussi pour une bonne part dans sa décision. Pendant la traversée, il lit un livre que lui a donné Chann, Le Rêveur dans la citadelle.

Ce récit a été écrit une quinzaine d'années plus tôt par un certain Jouskilliant Green qui a vécu pendant plusieurs années à Frulken, la capitale de Vrénalik. Récit véridique ou fiction romanesque visant à mettre en valeur une légende ? Green explique l'origine de la décadence du peuple asven en racontant ce qui s'est passé quatre siècles auparavant.

Le chef du pays, Skern Strénid, avait décidé de former un Rêveur qui, grâce à la drogue farn et à une longue ascèse, serait capable de contrôler les tempêtes sur l'océan et assurerait ainsi la sécurité de la flotte marchande de Vrénalik, véritable puissance maritime et commerciale. Un jour, à la faveur d'un différend qui oppose Skern Strénid à une de ses épouses, Inalga, le Rêveur se révolte et une tempête fantastique déferle sur les côtes de l'Archipel. L'île de Drahal, où on exploite des gisements de pierre verte qui constituent la principale ressource de l'économie du pays, est engloutie.

À partir de ce jour, le peuple asven se replie sur lui-même et déserte l'océan. Il végète, s'étiole, se meurt lentement. Il croit qu'une malédiction pèse sur lui et qu'elle ne sera levée que par la découverte de la statue du dieu Haztlén, le dieu-Océan.

L'esprit nourri par ces événements anciens, Sutherland débarque à Frulken. La ville est presque abandonnée. Il passe l'hiver avec les habitants du pays dans la Citadelle. Il se lie d'amitié avec Ivendra, un sorcier, et avec Anar Vranengal, une jeune femme qui doit lui succéder. Il les accompagne dans l'île de Vrend où doit avoir lieu la fête des deux lumières, dans le temple entretenu par Ivendra. Là, Sutherland pressent que sa venue dans l'Archipel n'est pas l'effet du hasard. Il a plus ou moins conscience d'être un instrument dans les mains du destin.

Après une dérive de deux semaines sur l'océan avec Ivendra, il aboutit à une grotte dans laquelle est enfermée la statue du dieu Hatzlén. Sutherland la transporte sur son dos, à pied, jusqu'à Frulken et la remet à Anar Vranengal et Strénid, le chef. Les habitants de la Citadelle réduisent la statue en miettes, mettant ainsi fin à leur prostration et à leur déchéance.

Autres parutions

Commentaires

Première version de deux romans imbriqués : L'Archipel noir et Le Rêveur dans la Citadelle.

L'Épuisement du soleil est une œuvre de maturité. Esther Rochon a commencé à travailler à ce roman en 1963. C'est donc dire qu'il s'est élaboré lentement, à travers diverses périodes de la société québécoise. De la révolution tranquille à l'après-référendum en passant par l'époque du nationalisme ardent, le climat social a grandement évolué au Québec pendant cette période. Aussi, faire une lecture politique de ce roman me paraît extrêmement hasardeux.

A vrai dire, le climat social qui correspond le plus à celui qui caractérise la société asven serait, à mon avis, celui de l'après-référendum. Désarroi, absence d'un projet collectif, léthargie, morosité chronique, bref, l'état d'esprit du peuple asven rappelle le choc résultant de l'échec du référendum. Or, en 1980, le roman d'Esther Rochon avait déjà pris la forme définitive qu'on lui connaît. La tonalité de l'œuvre avait été définie depuis longtemps parce qu'elle est au cœur même du projet d'écriture de l'auteure. Pour sa part, Esther Rochon a déclaré en entrevue avoir été marquée par le climat social propre au régime de Robert Bourassa.

Laissons cette piste glissante à d'autres, d'autant plus que L'Épuisement du soleil a une valeur universelle. C'est aussi une œuvre d'une grande ampleur, qui a du souffle. La romancière a créé un monde imaginaire complet, qui se suffit lui-même. Elle nous présente mille ans de l'histoire d'un peuple, les Asven, en s'attardant sur deux temps forts, la malédiction du Rêveur et la découverte de la statue qui libère les habitants de Vrénalik d'un lourd passé qui les écrasait. En fait, la malédiction du paradrouïm Shaskath souligne avec éclat un point de rupture dans la société asven. Les valeurs matérielles ont complètement éclipsé les valeurs spirituelles. L'équilibre est rompu et l'océan se charge de rappeler aux habitants de l'Archipel qu'il ne saurait être dompté.

La malédiction est une merveilleuse allégorie qui donne un caractère mythique à ce roman. Les personnages du Rêveur et d'Inalga de Bérilis entrent dans la légende. L'auteure les décrit d'ailleurs comme des êtres hors du commun dans Le Rêveur dans la citadelle, ce roman à l'intérieur du roman. Le récit prend des accents épiques en raison de la dimension des personnages, plus grands que nature. Et c'est une idée géniale que d'avoir mis Sutherland en contact avec ce livre avant qu'il n'arrive à Vrénalik. Le récit prend pour lui valeur de texte initiatique dans sa quête encore imprécise et sans but. L'auteur établit ainsi l'importance primordiale de l'écrit, ce qui contraste étrangement avec la tradition orale par laquelle se perpétue tant bien que mal la société asven.

Il est significatif que ce livre ait été écrit par un étranger, Jouskilliant Green, qui fait figure de précurseur, comme saint Jean-Baptiste, de Taïm Sutherland, un autre étranger, qui devient, sans bien s'en rendre compte, une sorte de messie. C'est dire l'état profond d'aliénation dans lequel se trouve le peuple asven qui ne peut trouver dans ses représentants l'être qui le sortira de son marasme, qui rétablira le contact avec les origines. C'est pourquoi aussi Sutherland se sentira à l'aise dans cette société moribonde et coupée de ses racines, lui le marginal, le déraciné.

L'importance des racines est soulignée dans le roman par une image très forte et très riche. Dès que Sutherland a sorti la statue verte de la grotte, un immense raz-de-marée déferle sur la côte, rappel du cataclysme ayant eu lieu quatre siècles plus tôt. Pour résister à la vague, il se réfugie sur un côteau et s'attache à un sorbier, l'arbre qui lui ressemble le plus physiquement. A son réveil, il est couvert de glaise, image qui rappelle le mythe de la création de l'homme. Taïm est un homme nouveau, animé d'une détermination qui tranche avec l'homme velléitaire qu'il était auparavant. Cette détermination le mènera jusqu'à Frulken avec la statue.

On ne peut nier dans cette œuvre la dimension christique de Sutherland tant les valeurs spirituelles de cette société sont omniprésentes, grâce notamment aux sorciers qui assument le rôle de prêtres et de guides spirituels. Il s'agit là toutefois d'une religion qui cultive des liens très étroits avec la nature et qui se caractérise par un minimum de rites qui n'ont rien de contraignant.

On sait qu'Esther Rochon a été marquée par le bouddhisme qu'elle a découvert au milieu des années 70, qui est moins une religion qu'une philosophie. On relève dans L'Épuisement du soleil beaucoup de traces de cette influence. On trouvera dans les notes qu'elle a rédigées sur la genèse et l'élaboration du roman, notes publiées dans le numéro 3 d'Imagine…, beaucoup de renseignements pertinents. On peut regretter, d'ailleurs, que l'éditeur n'ait pas jugé bon de reproduire en annexe ce texte qui constitue une réflexion éclairante sur le travail d'écriture en même temps qu'une entreprise de démystification du travail de l'écrivain.

Il faudrait parler aussi des autres personnages du roman, qui ont également une présence très forte. La romancière a réussi à leur donner une personnalité très fouillée tout en les insérant parfaitement dans l'histoire collective qu'elle raconte. On retrouve avec plaisir Anar Vranengal, l'héroïne de En hommage aux araignées qui se situe dans le même cycle et dont le récit se déroule quinze ans avant l'arrivée de Taïm à Vrénalik. Anar poursuit l'œuvre du sorcier Ivendra et s'affirme comme le nouveau guide spirituel des Asven en brisant la statue.

Il faudrait parler aussi du thème du progrès, du pouvoir, des relations avec l'extérieur, de la solitude et de tant d'autres questions qu'aborde avec une égale rigueur intellectuelle Esther Rochon. Dire qu'on n'épuise pas la matière d'un tel roman en quelques pages. Mieux que l'analyse, c'est la lecture qui vous convaincra que L'Épuisement du soleil s'inscrira avec le temps parmi les classiques de la SF québécoise. Le roman d'Esther Rochon ne néglige aucun des aspects qui composent une société : structures politiques, économiques, sociales, religieuses. Je n'ai pas fini, quant à moi, de savourer le souvenir de cette lecture.

Voilà en outre un roman qui a toutes les qualités pour agir comme facteur de multiplication des lecteurs de la SFQ. Qu'il n'ait pas trouvé preneur, pendant toutes ces années, chez un éditeur français me laisse songeur sur la présumée ouverture que certains observateurs croient déceler en ce moment en France pour les œuvres québécoises. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 103-106.

Prix et mentions

Prix Boréal 1986 (Meilleur livre)

Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1986

Références

  • Dussault, Jean-Claude, La Presse, 19-07-1986, p. E 2.
  • Janelle, Claude, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VII, p. 330-331.
  • Janelle, Claude, Yellow Submarine 37, p. 15.
  • Le Brun, Claire, imagine… 30, p. 121-127.
  • Paquette, Guy, Pandore 2, p. 21.
  • Vonarburg, Élisabeth, Solaris 63, p. 19-23.