À propos de cette édition

Coauteur
Éditeur
Vents d'Ouest
Titre et numéro de la collection
Rafales
Genre
Hybride
Longueur
Anthologie
Format
Livre
Pagination
294
Lieu
Hull
Année de parution
1995
ISBN
9782921603119
Support
Papier
Illustration
Pierrette Lambert

Résumé/Sommaire

[1 FA ; 10 SF ; 1 HG]
Le Huitième registre, d'Alain Bergeron
Cloche vaine, de Francine Pelletier
Vue du douzième, de Jean-François Somain
Base de négociation, de Jean Dion

Mémère Thibodeau monte au ciel, de Jean-Pierre April
Le Pierrot diffracté, de Laurent McAllister
Pluies amères, de Daniel Sernine
Ralentir l'ennemi, de Michel Lamontagne
Akimento, de Claude-Michel Prévost
« … Suspends ton vol », d'Élisabeth Vonarburg
Cœur de fer, de Joël Champetier
Le Projet, d'Harold Côté

Commentaires

Dans la préface à Escales sur Solaris, les deux anthologistes, Joël Champetier et Yves Meynard, présentent une chronologie détaillée des littératures de l’imaginaire québécois. La revue Solaris, où ils ont œuvré tous deux en tant que directeurs littéraires (et où Joël Champetier a travaillé jusqu’à son décès), est en effet indissociable de l’histoire de la science-fiction et du fantastique dans la Belle Province.

Au cours des années, les auteurs marquants se sont succédé à cette tribune qui a atteint en 1989, tel que le rappellent les préfaciers, « sa pleine maturité, comme en fait foi la parution du numéro 87, un spécial quinzième anniversaire » (p. 12). Les textes retenus dans l’anthologie sont donc tous postérieurs à 1988, sélectionnés parmi quelque 275 nouvelles publiées au fil des années par le périodique. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’il ne s’agit pas nécessairement des meilleures fictions publiées par le trimestriel depuis 1974, mais plutôt de « textes récents de la part d’auteurs qui avaient fréquemment publié dans la revue » (p. 14). Nous retrouvons ainsi au sommaire des auteurs déjà connus à l’époque (Alain Bergeron, Jean-Pierre April, Daniel Sernine, Élisabeth Vonarburg, Joël Champetier, Jean-François Somain), d’autres alors en émergence (Francine Pelletier, Laurent McAllister, Michel Lamontagne) et d’autres qui semblent avoir déserté ou presque le genre depuis quelques années (Jean Dion, Claude-Michel Prévost, Harold Côté). Plus précisément, les textes retenus s’échelonnent des numéros 87 à 109 (publiés entre 1988 et 1994), certains d’entre eux étant plus privilégiés que d’autres (les nos 96, 99 et 107, notamment). C’est par conséquent un peu moins d’une décennie de nouvelles parues dans Solaris qui est rassemblée dans cette anthologie, mettant à l’honneur des textes phares, qui relèvent principalement de la science-fiction (les préfaciers admettent d’ailleurs que Solaris a fait paraître davantage de science-fiction que de fantastique au cours de cette période).

Presque toutes les nouvelles se rattachent donc à un genre ou l’autre de la science-fiction, mais l’abordent de manière originale. De plus, plutôt que de privilégier les textes brefs, les anthologistes ont choisi de retenir surtout des récits longs et étoffés, ce qui confère à l’ouvrage un équilibre certain.

Pour les lecteurs friands d’imaginaire nés après 1980, dont je fais partie, Escales sur Solaris est d’une indéniable richesse historique. L’anthologie permet sans contredit un survol rapide et précis de la science-fiction et du fantastique québécois en 1995, tel qu’ils se déployaient autour de la plus vieille revue d’imaginaire francophone. Escales sur Solaris (dont le joli titre est une suggestion de Daniel Sernine) offre de cette manière un bilan tout à fait honorable, même si, comme c’est le cas dans la plupart des anthologies, la présence (ou l’absence) de quelques auteurs est discutable ou regrettable.

Je salue par exemple la présence au sommaire d’écrivains toujours actifs dans le milieu SFFQ aujourd’hui, comme Laurent McAllister, Francine Pelletier, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg. Par contre, Esther Rochon semble manquer cruellement à l’appel. D’autres choix m’ont aussi paru moins évidents, comme « Akimento » de Claude-Michel Prévost, qui relate la quête de Face d’Ange dans un Montréal englouti, à laquelle il n’est pas aisé d’adhérer à cause de la narration distanciée, et « Le Projet » de Harold Côté, qui raconte que, depuis des siècles, les individus collaborent à un « Projet » collectif d’écrire des « idées-paragraphes », projet somme toute plutôt confus. Mais, outre ces deux sélections, Escales sur Solaris est bien équilibré, l’ordre des fictions s’avérant soigneusement réfléchi.

Parmi les douze récits, je retiens entre autres « Le Huitième registre », nouvelle saluée d’Alain Bergeron. L’auteur nous présente ici un texte étoffé, à l’arrière-monde ciselé, dans lequel nous suivons André Antonikas, séméiologue. Dans cette uchronie byzantine, où les disciples du monochronisme de l’histoire sont légion, André et ses acolytes tentent de démontrer le caractère aléatoire du déroulement du temps. Pour ce faire, ils useront du huitième registre, qui décèle une faille importante au septième siècle. Mais les détracteurs du monochronisme veillent… Portée par une narration fluide, érudite et bien écrite, cette nouvelle ouvre agréablement le recueil, tout en demeurant longtemps en mémoire.

« Vue du douzième » de Jean-François Somain, l’un des rares textes courts d’Escales sur Solaris, m’a aussi beaucoup plu. Nous retrouvons dans cette histoire fantastique un étrange voyeur qui observe avec effroi la maison voisine, dans laquelle disparaissent les visiteurs. Avec cette prémisse somme toute classique, Somain réussit néanmoins à distiller une certaine angoisse, tout en demeurant dans la suggestion. Comme quoi la subtilité et la finesse produisent parfois les meilleurs effets.

Quant au « Pierrot diffracté » de Laurent McAllister, il s’agit à mon avis du texte le plus saisissant du recueil. Dans cette nouvelle coécrite par Yves Meynard et Jean-Louis Trudel, nous suivons un père et ses trois filles de douze ans qui devront bientôt faire leur entrée dans le monde adulte. Mais le monde extérieur est particulièrement violent et cruel, et c’est pourquoi Richard, leur père, paie à ses trois filles, Armelline, Lilith et Marharid, un tuteur robot. Ce tuteur, c’est Pierrot, avec qui les trois étudiantes développeront une relation d’amour/haine particulière. Il en résulte une histoire au suspense réussi et à l’imaginaire science-fictionnel généreux, qui parvient à communiquer la détresse de Richard ainsi que de ses préadolescentes.

Quelques mots également sur « Ralentir l’ennemi » de Michel Lamontagne, auteur qui a signé plusieurs nouvelles dans Solaris au cours des années, le plus souvent rattachées au genre de la science-fiction. C’est aussi le cas dans ce texte, où nous faisons la connaissance des « Coins-coins », extraterrestres qui ont envahi la Terre. Les rares survivants, à l’instar du narrateur et de ses voisins, François et Daniel, vivent constamment sous surveillance, en compagnie de leur « Coin-coin » respectif. Mais celui du narrateur est différent, plus sensible, intéressé par la lecture. Ils noueront une relation singulière à mesure que les derniers humains s’éteignent et que la pluie rouge tombe sur la planète. Originale, narrée sous la forme d’un journal, cette nouvelle à l’atmosphère énigmatique se lit avec beaucoup de plaisir.

En somme, Escales sur Solaris offre un échantillon représentatif du paysage littéraire de Solaris au cours de la période 1988-1994. Je ne peux donc que souligner l’initiative de Vents d’Ouest d’avoir publié cette anthologie. En espérant que d’autres recueils de ce genre voient le jour, les anthologies de l’imaginaire étant – hélas ! – rares au Québec depuis les années 2000… [AG]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 47-49.

Références

  • Fortin, Marie-Claude, Voir, cahier Livres, mars 1995, p. 7.
  • Janelle, Claude, Lettres québécoises 78, p. 36.
  • Martin, Christian, Temps Tôt 36, p. 49-50.
  • Péan, Stanley, Lectures, vol. 2, n˚ 9, p. 20.