À propos de cette édition

Éditeur
Des Glanures
Titre et numéro de la collection
Les jeunes pousses
Genre
Fantastique
Longueur
Novelette
Paru dans
Au hasard du désir
Pagination
5-72
Lieu
Shawinigan
Année de parution
1993

Résumé/Sommaire

Bill a obtenu un rendez-vous avec la séduisante Alice mais son petit ami habituel intervient et convie son rival à une course de nerfs dans la tradition de Rebel without a cause. Cependant, Stick, l’acolyte de Jeff, trafique les freins de la voiture de Bill. Ce dernier plonge vers la mort du haut d’une falaise. Une année passe… Dans le cimetière d’automobiles Voorhees, Bill revient sous la forme d’un esprit qui a le pouvoir d’animer des objets d’acier. Il s’incarne d’abord dans une carcasse d’automobile et ensuite, dans divers objets grâce auxquels il assassine sadiquement tous ceux qui sont responsables de son décès.

Commentaires

En exergue de chaque chapitre (car cette longue nouvelle de plus de soixante pages est en fait un véritable petit roman), on trouve des citations qui témoignent des sources d’inspiration de l’auteur : Stephen King (évidemment), Iron Maiden, Clive Barker, Megadeth et Claude Seignolle ! Il y a aussi un ou deux clins d’œil au cinéma d’horreur américain, tel ce cimetière d’automobiles Voorhees. C’est dire que l’influence du roman et du cinéma d’horreur américains est déterminante, pour ne pas dire totale, chez Pierre Duplessis. À telle enseigne qu’il semble incapable d’imaginer que son intrigue puisse se dérouler ailleurs qu’aux États-Unis et qui plus est, en 1969. Les années 60 apparaissent souvent dans l’œuvre de Stephen King, ce qui est compréhensible dans son cas puisqu’il s’agit de l’époque de sa jeunesse mais dans le cas de Duplessis, par contre…

Dans « L’Esprit de fer », l’auteur s’essaie parfois à l’humour (à moins que ce ne soit involontaire de sa part) comme dans la phrase suivante : « Voguant à travers la tristesse et l’ennui de la nuit, un léger picotement envahit la virilité de Sam dans la vallée de son entrejambes (sic). Puis soudain jaillit en lui l’idée de reproduire une éruption volcanique à l’aide de son phallus… » À d’autres reprises, il utilise le truc qui consiste à souligner le côté horrifique d’une scène en se plaçant du point de vue d’un personnage, ce qui est une méthode éprouvée quand on sait comment en user. Ainsi, le médecin légiste vomit lorsqu’il voit le corps de Derek et l’auteur nous précise que le toubib n’a jamais rien vu de tel. Il est franchement difficile de croire qu’un médecin qui a déjà vingt-sept ans d’expérience n’a jamais rien vu de plus dégueulasse qu’un cadavre ayant une tige de fer enfoncée dans le cerveau. Pierre Duplessis devrait lire Nécropolis de Herbert Lieberman pour avoir une réelle idée de ce qu’un légiste peut voir dans son métier en matière de cadavres dépecés. Dans ces circonstances, le texte devient vraiment comique et le lecteur peut éprouver un plaisir pervers à le lire, analogue à celui que ressentent les amateurs de films psychotroniques.

Enfin, l’auteur éprouve des problèmes avec la simple vraisemblance. On ne peut pas croire à la fin que Bill demeure immobile dans le bain, fasciné par la beauté d’Alice, pendant que celle-ci a le temps de brancher un séchoir et de le jeter dans l’eau. On voit que l’auteur en pince pour son personnage féminin et qu’il ne veut absolument pas qu’elle meure, d’où une conclusion ratée. Dans le but de faire un happy end, Duplessis s’est refusé à aller jusqu’au bout de la logique de son récit, ratant du même coup une finale logique. De plus, il tient absolument à terminer sur une note tragique et nous montre donc la « bonne » Alice pleurant la mort de Bill dans la salle de bains. Il est incroyable qu’après avoir été assaillie par un monstre de métal, elle reste à pleurer dans le noir à côté de son cadavre. De même, on ne comprend pas comment une fois incarné dans une carcasse d’automobile, Bill peut éprouver de la douleur quand le doberman le griffe.

Consciemment ou non, Pierre Duplessis a très bien saisi les règles de ce genre qu’est le roman d’horreur à la Stephen King. C’est au niveau technique que le bât blesse. Si l’auteur voulait bien se donner la peine de retravailler tout ça en profondeur, de réécrire dans un langage simple et efficace sans essayer d’être littéraire, de corriger les exagérations et invraisemblances en plus de fouiller la psychologie des personnages, cela pourrait donner un bon petit roman d’horreur traditionnel. [DJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 78-80.