À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
287
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Frédéric Dugan, anthropologue, cherche depuis dix ans dans le désert libyen pyramides et mastabas. Surnommé l’Ouvrier par les Bédouins, il rencontre un jeune homme suicidaire, Élis, à qui il montre les vertus salvatrices contenues dans l’action de pelleter des dunes en quête de l’inattendu. Le jeune homme, tout d’abord désintéressé, découvre petit à petit un intérêt énorme dans cette occupation simple. Bientôt, il part dans le désert profond afin de pelleter le plus de dunes possible, trouvant enfin un sens à sa vie. Pour les Bédouins, il sera le Pelleteur. Quant à l’Ouvrier, découragé, il trouvera enfin par hasard l’étrange monument qui changera sa vie et celle du monde.

Car ce n’est pas une banale pyramide qui surgira du sable, mais une gigantesque construction faite d’une matière inconnue, et dont les multiples salles sont éclairées par une étrange lumière bleutée. La presse avertie pense au canular, mais bientôt le monde est convaincu de la véracité de la découverte. Dugan, maître des recherches engagées par l’ONU, se verra à la tête de plusieurs centaines de chercheurs dans tous les domaines, dont le professeur Leuranc, célèbre biologiste moléculaire et son assistant Jacques de Mornay.

Pendant ce temps, le Pelleteur, rescapé in extremis du désert, fonde une religion basée sur la déitude de l’Homme, La Pelle. Ses convictions que l’Homme est un Dieu qui s’ignore sont bientôt confirmées par les incroyables découvertes faites dans le monument : une race que l’on nommera les Adniens, du nom de l’ADN, a construit toute la vie qui se trouve sur Terre. Son ultime ouvrage, l’Homme, se révèle être un véritable Dieu, immortel, capable de multiples prouesses physiques, mentales et paranormales. Bientôt, La Pelle compte des millions d’adeptes.

Mais le professeur Leuranc a découvert un fait capital et bien caché. Tels des apprentis-sorciers, les Adniens ne se sont pas aperçus que leur méthode de création de la vie par manipulation génétique et l’utilisation de matériels anciens réagencés pièce par pièce devaient inéluctablement aboutir à la destruction de toute leur œuvre. Certaines pièces devinrent incontrôlables, détruisant tout : les virus étaient nés. Confrontés à leur échec, eux-mêmes en grand danger, les Adniens sont partis en laissant leur dernier projet inachevé, certains que, de toute façon, les virus viendraient à bout de toute vie.

Commentaires

Premier véritable roman de hard SF québécois, L’Étrange Monument du désert libyque nous emmène vers les confins des connaissances actuelles en biologie moléculaire. Si l’argument de base reste une idée simple et passablement éculée, à savoir qu’une race extraterrestre aurait créé la vie terrestre, le traitement que lui impose D’Astous et son érudition scientifique renouvelle l’intérêt du lecteur SF blasé.

L’écriture de Claude D’Astous est simple, sobre. La prose coule facilement et si la fioriture n’a pas sa place, une certaine poésie se dégage quelquefois, surtout dans les descriptions du désert et de l’étrange monument. Plusieurs reprocheront à l’auteur d’avoir quelque peu négligé ses personnages, de les avoir laissés au niveau d’un quelconque carton-pâte peu approfondi, sauf peut-être pour Dugan et Leuranc, et encore ! Quant à moi, j’avoue que la chose ne m’a pas le moins du monde dérangé. Comme mentionné plus haut, il s’agit ici d’un roman convenu d’appeler hard SF. Le premier impératif, dans ce genre d’ouvrage, c’est le développement intensif de l’idée de départ, l’étude de ses ramifications les plus ténues et, surtout, la volonté de pousser cette idée jusqu’à ses plus extrêmes limites. Pour ce faire, et D’Astous le fait très bien dans L’Étrange Monument du désert libyque, il faut établir une construction simple et solide, et se servir de tout ce qui est littérairement possible pour atteindre le but. Les personnages deviennent alors automatiquement des faire-valoir pour avancer les idées, les théories, les discussions tournent continuellement autour de l’idée maîtresse et de ses corollaires. Une fois toutes ces choses établies, vous vous apercevez généralement, en tant qu’auteur, qu’il ne vous reste plus grand place pour donner une véritable vie tridimensionnelle à vos personnages… à moins de ne vouloir écrire une brique de 600 pages !

Mais D’Astous est ingénieux et, dès son premier roman, il nous montre qu’il sait contourner élégamment certains écueils. Là où son roman n’aurait été effectivement qu’un développement, certes intéressant, de sa théorie de départ mais, somme toute, un peu plat, il trame une deuxième ligne d’intérêt en intégrant l’idée de la Pelle, une nouvelle religion qui fera pendant au volet scientifique de l’histoire. Et, ma foi, force est de dire que l’amalgame des deux trames est excellent et crédible. D’Astous se sert d’ailleurs de la Pelle et de ses ouailles pour nous tirer un portrait intéressant, quoique un peu flou, de l’époque et des bouleversements sociaux que la découverte d’un tel monument peut apporter. La fin, d’ailleurs, revêtira une force particulière grâce au plongeon dans le lointain futur permis par la mainmise de la Pelle sur les destinées de l’Humanité.

Il ne faut pas oublier de mentionner l’humour et le cynisme que véhicule continuellement la plume de l’auteur. Qu’on pense aux propos acerbes qu’il tient sur un certain pape, les agissements excentriques de Leuranc et de Dugan, sans compter de Mornay ou encore Darsey, l’archéologue spécialisé dans les excréments. Stéréotypés, les personnages ? Sûrement ! Mais toujours d’une manière cynique, quoique attachante. Leuranc est le prototype parfait du vieux professeur grincheux que tout étudiant a dû subir au moins une fois à l’Université. Dugan, c’est le bon gars, travailleur acharné un peu gauche, candide et gêné, exactement le contraire de de Mornay, qui lui a de la facilité avec les femmes et une grâce innée.

Faiblesse de l’auteur que ces stéréotypes ? Je ne pense pas. Il faut savoir couper court à certain moment et quoi de mieux que quelques stéréotypes bien différents pour pouvoir faire passer de façon naturelle l’humour et le cynisme que l’on veut inclure dans notre histoire.

Certes, il s’agit d’un premier roman et plusieurs petits défauts apparaissent ici et là. Mais je n’en parlerai pas, la somme des éléments positifs dépassant nettement sa contrepartie négative. Tout ce que j’espère maintenant, c’est que D’Astous récidive rapidement. Il m’apparaît comme une bouffée de fraîcheur dans un SFQ quelque peu introvertie. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 60-62.

Références

  • Baron, Maryse, Québec français 63, p. 9.
  • Crevier, Gilles, Journal de Montréal 07-06-1986, p. 57.
  • Janelle, Claude, Solaris 72, p. 37-38.
  • Janoël, André, Nos livres, décembre 1986, p. 33-34.
  • Lord, Michel, Lettres québécoises 47, p. 33-34.
  • Martel, Réginald, La Presse, 12-04-1986, p. E 3.
  • Mativat, Daniel, imagine… 41, p. 111-112.