À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Alire
Titre et numéro de la collection
L'ASFFQ
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Année 1992 de la science-fiction et du fantastique québécois
Pagination
243-252
Lieu
Québec
Année de parution
1997
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Simon, qui travaille dans un café, y rencontre un jour Ève-Marie. Il n’a d’yeux que pour cette femme, toute de blanc vêtue, qui ne semble être là que pour lui. Il l’invite à son domicile et, durant le souper, elle lui raconte une histoire extraordinaire, comment elle est morte puis revenue à la vie, un sens à la fois, dans le plus parfait désordre (les oreilles redonnent la vue, la langue rend l’ouïe, etc.). Il hésite quant à la nature du récit qui s’offre à lui : délire ou métaphore ? Quand elle constate qu’il ne l’a pas crue réellement, Ève-Marie se désole et s’enfuit. Simon commence à comprendre – trop tard.

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Commentaires

Natasha Beaulieu propose ici une histoire qui, tout en reposant sur celle, souvent exploitée, d’une rencontre avec un personnage mystérieux – on songe à la « Pandora » de Nerval –, témoigne d’un imaginaire débridé. L’auteure fait montre, en apparence du moins, d’une absence réjouissante d’autocensure, faisant se côtoyer les images les plus oniriques et appelant les pistes d’interprétation les plus… compromettantes.

Le récit est mené de manière sensible. Le personnage de Simon, narrateur du récit, est présenté dans toute sa complexité. Son discours n’est pas univoque et les contradictions qu’il recèle témoignent de son hésitation et non d’un manque de cohérence. L’auteure offre un récit foisonnant où tout semble pourtant à sa place. Pas de complaisance dans la représentation d’une sexualité décadente, ici, comme c’est parfois le cas dans d’autres textes de Natasha Beaulieu, mais une sensualité à fleur de texte.

Du côté de la structure narrative, on note cependant quelques hésitations, survenant dès les premiers paragraphes du récit et entachant le reste de la lecture. Ainsi, alors que la première section se termine sur l’allusion à ce que la femme raconte lors de son premier et dernier souper avec Simon, la deuxième section ne s’amorce pas avec ce récit, mais avec un flash-back relatant la rencontre du narrateur avec celle qu’il appelle sa « princesse russe ». De même, l’alternance systématique des temps de l’histoire devient vite convenue et ralentit le récit sans véritablement nourrir la force de l’intrigue.

« Ève-Marie » est cependant un texte qui laisse entrevoir une série de pistes de lecture, comme autant de portes ouvertes aux fantasmes des lecteurs. On pourrait même reprocher à l’auteure la multiplication des symboles et références. Ainsi, Ève-Marie pourrait être perçue comme la synthèse de la première femme de la Genèse et de la principale figure féminine de l’Évangile, l’une marquant la chute de l’humanité, l’autre initiant son rachat ; cela est supporté par le texte qui relate les deux vies d’Ève-Marie. De la même manière, l’hypothèse psychanalytique suggérant que le rapport de Simon à cette femme mystérieuse correspond à son rapport à sa mère est aussi l’une des avenues interprétatives qu’on peut choisir et trouve sa résonance dans le texte par la récurrence de la blancheur attribuée à toutes les figures positives (et féminines) du texte. Au milieu de ces signaux, c’est sans doute le traitement réservé aux cinq sens qui s’avère le plus riche de ce point de vue, et qui marque aussi le passage entre le dérèglement de tous les sens (rimbaldien !) du narrateur épris d’une femme mystérieuse et le désordre réel des sens de sa belle inconnue. Cette prolifération des références, qui semble parfois forcée, peut agacer, mais il ne faut pas bouder son plaisir – et elle est en effet réelle cette délectation qu’on peut trouver à laisser son esprit dériver au gré des allusions semées dans le texte. [SBé]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 9-10.