À propos de cette édition

Éditeur
Productions GGC
Titre et numéro de la collection
Jeunesse
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
254
Lieu
Sherbooke
Année de parution
2000
ISBN
9782894441077
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Jasmin, 12 ans, est un amateur de romans d’horreur. Il découvre qu’il y a un fond de vérité dans les histoires qu’il affectionne quand un garçon de son âge à l’air triste apparaît dans sa chambre. D’autres phénomènes étranges se produisent les nuits suivantes. Jasmin en déduit qu’un esprit essaie de communiquer avec lui. Il raconte tout à sa meilleure amie, Sophie. Ensemble, ils effectuent des recherches sur les fantômes et l’histoire de leur village, Coteau-Boisé. Ils apprennent que l’esprit est celui d’un garçon assassiné par son beau-père au XIXe siècle. Il habitait dans une ancienne demeure qui va être rasée en même temps que le petit bois qui l’abrite, au grand dam des habitants du village. L’homme qui se trouve derrière ce projet de destruction du patrimoine est un entrepreneur du nom d’Osias Marion. Il est un descendant direct du beau-père assassin. Le jeune spectre désire par conséquent empêcher que soit anéanti l’endroit qu’il n’a pu quitter même après sa mort. Heureusement, Sophie et Jasmin mettent la main sur un document qui prouve que le terrain n’appartient pas réellement à Marion mais au notaire Delagrave qui est le principal opposant au projet.

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Commentaires

Voilà une histoire de fantômes assez conventionnelle, j’allais dire classique, mais ce serait une erreur car il y a des histoires de fantômes classiques qui ont fait leur marque. Une chose est certaine en tout cas, c’est que ce roman ne fera peur à personne, même pas aux jeunes à qui il est destiné, à moins d’être exagérément impressionnable. C’est un peu de la fausse représentation, car lorsqu’on apprend au début du roman que Jasmin est amateur de romans d’horreur, on s’imagine/espère qu’on va lire une histoire effrayante. Ce n’est pas l’intention d’Hervé Gagnon qui, assez tôt dans le roman (quand les deux héros découvrent le vieux grimoire), semble vouloir rassurer son lecteur en précisant que les spectres ne sont pas tous maléfiques. Je crois bien que parmi les auteurs jeunesse québécois de fantastique, il n’y a guère que Claude Bolduc et, plus récemment, Jean-Louis Trudel qui osent écrire des romans qui contiennent des scènes assez dures et tordues et qui soient susceptibles de provoquer des émotions chez leurs lecteurs.

Dans Le Fantôme de Coteau-Boisé, rien n’est réellement surprenant. Poncifs et stéréotypes ne manquent pas, tel ce personnage de notaire agité et éternellement vêtu en complet trois pièces. Tel également le fait que Jasmin a besoin de son amie Sophie pour le guider dans ses recherches. Le personnage de fille forte et débrouillarde est très populaire de nos jours. On sait bien que le mâle québécois n’est pas capable de se dépêtrer tout seul. Je pense également au portrait de Thomas Grandet qui dégage une impression de force et de bonté. Ça m’énerve cette tendance qu’il y a dans les romans jeunesse à s’arrêter ainsi au premier degré d’un personnage comme si son aspect physique était garant de sa personnalité. On retombe dans le délire de la physiognomonie dont Balzac et Hugo ont fait un si grand usage.

Il en va de même pour l’intrigue historico-policière développée en parallèle avec la trame surnaturelle. La découverte d’un document important qui favorise les opposants au projet de destruction du boisé par deux jeunes débrouillards qui réussissent là où tous les adultes ont échoué, ce n’est rien de bien neuf. Force m’est cependant d’avouer que je trouve ce dernier point plutôt sympathique même si j’ai déjà lu ou vu ça à la télé des centaines de fois.

Pourtant, malgré tous ses défauts, ce roman comporte quelques aspects positifs qui me font penser que Hervé Gagnon a quand même ce qu’il faut pour devenir un bon auteur jeunesse. Il faudra seulement qu’il ose à l’avenir refuser certaines facilités. Sa fiction est des plus ordinaires mais il demeure que le tout se laisse lire sans trop de lassitude, que le rythme est correct et que ce n’est pas mal écrit malgré des changements de registre surprenants. Par exemple, quand Sophie raconte le rêve qu’elle a fait, elle s’exprime soudain dans un langage très livresque alors que son parler empruntait jusque-là le mode familier.

J’ai également apprécié les efforts de l’auteur pour intéresser son lecteur à l’histoire locale ou générale, à la préservation du patrimoine et de la nature. Il le fait de façon intelligente et sans moraliser. Gagnon offre aussi quelques clins d’œil à ceux de ses lecteurs qui connaissent les classiques. La mère de Gille Grandet, le jeune spectre, s’appelle Eugénie. S’agirait-il de celle de Balzac qui aurait émigré au Canada après le décès de son avare de père ? De plus, la mort de Gille par inanition (la scène la plus atroce de tout le volume) dont est responsable son beau-père qui veut s’emparer de l’héritage est le genre de situation dramatique qui fait songer à Dickens.

Par contre, avec l’épisode du cimetière où Sophie est entraînée dans la terre par ce qui serait la main du beau-père assassin, nous avons affaire à une autre référence, plus moderne et moins heureuse. Hervé Gagnon plagie de toute évidence l’affiche du film Evil Dead. En principe, je n’ai rien contre ce genre d’emprunts mais le problème, c’est que cet épisode jure avec le reste. Il est difficile de croire que l’esprit du beau-père puisse être assez puissant pour animer son cadavre, le reconstituer même si on considère que, après un siècle, il ne doit pas en rester grand-chose. Cette péripétie serait acceptable dans une aventure d’Anita Blake, l’héroïne de Laurell K. Hamilton, mais dans ce cas précis, cette scène paraît tout à fait gratuite. Sinon, tant qu’à y être, pourquoi le beau-père ne poursuit-il pas les héros tout au long du roman ? Dans le grimoire lu par les deux ados, il est précisé qu’une apparition demande beaucoup d’énergie de la part d’un esprit. On imagine que le beau-père a dû utiliser l’équivalent psychique d’une centrale nucléaire.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule incohérence. Toujours selon les règles établies par Gagnon lui-même, un esprit est supposé devoir espacer ses apparitions de plusieurs jours, question de rassembler les forces nécessaires. Cependant, Gille Grandet se manifeste beaucoup plus souvent et bien plus longtemps et toujours au bon moment. En plus, à la fin, il parle. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait dès le début ? Cela aurait évité bien des misères au pauvre Jasmin.

Enfin, pour conclure, Jasmin et Sophie aperçoivent Gille flanqué de son père et de sa mère, tous trois baignant dans une lumière surnaturelle et resplendissant de paix. On dirait la vision de Luke Skywalker à la fin de Return of the Jedi. Que Hervé Gagnon s’inspire de ses lectures et de films, je veux bien, mais il devrait apprendre à camoufler davantage ses emprunts et à imaginer des situations plus corsées. Sinon, une éternelle et fatigante impression de déjà-vu risque d’enlever tout intérêt à ses œuvres. [DJ]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 75-77.