À propos de cette édition

Éditeur
Imprimé au Devoir
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
En bâtissant des églises…
Pagination
19-26
Lieu
Montréal
Année de parution
1917

Résumé/Sommaire

Le père Dieudonné raconte au narrateur l’histoire du fantôme de « La Roche ». Après avoir vu un beau Français aux abords du fort des Trois-Rivières, une jeune Amérindienne en tombe amoureuse. Quand elle apprend que son père la destine à un sorcier d’un autre village, la jeune fille s’enfuit. Elle est rattrapée et enchaînée à un bloc de granit gris parce qu’elle refuse toujours d’épouser le sorcier. Celui-ci la poignarde après plusieurs jours sans manger ni boire mais, avant de mourir, elle reçoit le baptême des mains du jeune Français. Des gouttes de sang indélébiles imprégnées profondément dans le rocher témoignent du drame passé.

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Commentaires

« Le Fantôme de “La Roche” » de Joseph-Philippe Héroux n’a rien à avoir avec le conte de Faucher de Saint-Maurice qui porte le même titre. Le récit, qui se situe en Nouvelle-France, au moment de la fondation de Trois-Rivières, adopte majoritairement le point de vue amérindien. 

Avec le recul et la sensibilité de l’époque actuelle devant la question identitaire et nos relations avec les communautés autochtones, la tragédie quotidienne que l’arrivée des Européens (en l’occurrence les Français) sur le sol nord-américain a pu représenter pour les Premières Nations prend une tout autre dimension. Il n’est pas question ici des conflits qui ont éclaté entre les colonisateurs blancs et les premiers habitants du territoire, mais plutôt du choc des cultures qui en a résulté.

Le personnage de la jeune Amérindienne symbolise cette tragédie. Certes, elle a peur du sorcier que son père veut lui imposer comme époux, ce qui l’incite à fuir, mais c’est surtout la découverte de l’Autre et la promesse d’une vie meilleure au ciel énoncée par les Robes Noires qui la détournent de son peuple et en font une martyre. La naïveté amoureuse et le mysticisme de la jeune héroïne évoquent le personnage historique de Kateri Tekakwitha.

Comme le père Dieudonné, le lecteur peut se demander pourquoi le fantôme de l’Amérindienne vient encore hanter le rocher sur lequel elle est morte. Après tout, n’a-t-elle pas été baptisée avant son trépas ? J’y vois, pour ma part, un rappel symbolique de l’histoire amérindienne menacée d’oubli, d’autant plus que le bloc de granit, artefact du passé, a été intégré plus tard aux fondations de l’église de Yamachiche. Quelle belle métaphore de l’assimilation à laquelle le prosélytisme déployé par les Robes Noires n’est pas étranger !

Sous son apparente banalité, la nouvelle d’Héroux cache un sous-texte riche à condition de gratter l’épaisse couche religieuse qui l’enrobe. [CJ]