À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Des phénomènes étranges se produisent en 1999 dans les environs du lac Saint-Jean. Marcellin trouve sa vache sur son toit de maison, des moutons apparaissent en troupeaux sur l’autoroute, une girafe disparaît du zoo de Saint-Félicien et une dizaine de bijouteries de Chicoutimi sont cambriolées simultanément. Au moment où on retrouve la girafe en question parée de dizaines de colliers de perles, il ne semble plus faire de doute que ces événements extraordinaires tiennent des prouesses de quelques farceurs. Ce n’est pas tout à fait faux, mais les farceurs en question proviennent de Pluton, et leurs expériences sont en fait les prémices d’une mission diplomatique.
Menacés par des conditions climatiques dangereuses, les Plutoniens tentent de convaincre les habitants de Solaris, ville futuriste saguenéenne, de cesser de s’alimenter à l’énergie solaire, car leur survie de même que l’équilibre du système solaire en sont menacés. Les pêcheurs auxquels les extraterrestres s’adressent, Richard et Marcellin, sont cependant peu enclins à accéder à une telle requête : comme les réflecteurs solaires servent à l’alimentation de toute une ville, les Plutoniens devraient selon eux trouver une façon de s’adapter à leurs nouvelles conditions climatiques.
Ceux-ci, outrés de la réponse de leurs interlocuteurs, décident plutôt d’employer leur capacité à dématérialiser et à rematérialiser les objets pour parvenir à leurs fins. Ils transportent ainsi un coffre de la Banque de Toronto devant un pêcheur, qui pourra conserver les millions de dollars qui s’y trouvent s’il accepte de détruire le réflecteur solaire de la ville. Ce dernier accepte, mais comme ni lui ni les collègues qu’il s’adjoint n’ont d’expertise, la mission échoue, et les extraterrestres tentent d’élaborer des méthodes plus violentes pour parvenir à leurs fins. Le conflit se règle grâce à l’ingéniosité de Richard, qui apporte aux Plutoniens les plans visant à transformer leur atmosphère pour la rendre similaire à celle de la Terre.
Commentaires
On le constate à la lecture du résumé : Les Farfelus du cosmos n’est pas de ces livres qui traversent bien le temps, et on a bien du mal aujourd’hui à ne pas sourire devant l’idée d’une « planète » Pluton habitée de petits êtres verts ou d’un panneau à même d’affaiblir le Soleil pour alimenter une seule ville. Puisqu’il s’agit d’un roman jeunesse sans grandes prétentions, on pourra, encore aujourd’hui, regarder ces détails d’un œil conciliant.
Ce qui ne pardonne pas, toutefois, c’est que le roman ne parvient jamais réellement à faire préférer les héros à leurs adversaires, au point qu’on se demande pendant toute la lecture pourquoi le titre ne renvoie pas plutôt aux « farfelus du Québec ». Du début à la fin, il semble aller de soi qu’il faut protéger à tout prix le réflecteur solaire des tentatives de destruction des Plutoniens, ce qui sous-entend que la population d’une seule ville terrestre surpasse en importance celle d’une planète entière, voire du système solaire.
L’histoire aurait pu constituer l’occasion idéale pour discuter de compromis et d’acceptation et critiquer la xénophobie, mais, en passant à côté de ces questions, elle se situe précisément dans le camp inverse. On se demande aussi en lisant le livre comment une civilisation aussi évoluée que celle des Plutoniens – qui a plus d’un million d’années et a su développer des technologies avancées telles qu’un « cerveau électronique traducteur de toutes les langues et dialectes de l’univers » (p. 43), invention d’autant plus impressionnante que les Plutoniens communiquent entre eux par télépathie – peut voir en deux quidams de retour d’une journée de pêche les interlocuteurs idéaux pour une négociation interplanétaire.
En effet, presque personne n’est au courant de la visite galactique, à l’exception de Richard et Marcellin, principaux héros du récit, et du petit clan qui travaillera pour le compte des Plutoniens. Le dénouement, en apparence satisfaisant sur le plan éthique puisqu’il ne se limite pas à la destruction attendue des visiteurs, mais trouve une solution qui convient aux extraterrestres sans nuire aux citoyens de Solaris, dissimule encore une fois l’idée xénophobe selon laquelle les Plutoniens, malgré leurs prouesses technologiques, seraient nécessairement moins intelligents que le Terrien moyen, puisque c’est ce dernier qui trouvera une solution à leur problème, sans compter que celle-ci consiste à s’inspirer des conditions de vie terrestres.
Ajoutons à cela qu’à l’instar de plusieurs publications des éditions Paulines, Les Farfelus du cosmos ne renonce pas à mettre dans la bouche de son héros un discours apologétique de la foi chrétienne : « De la naissance à la mort, l’existence n’a de valeur que si nous l’appliquons à suivre les voies de Dieu. Ceux qui se seront toujours prévalus de cette obligation morale, recevront la généreuse récompense promise dans l’au-delà. » Pour qu’il n’y ait aucun doute sur le fait que cette phrase de Richard reflète bien les valeurs de l’auteur et de l’éditeur, on nous offre aussi la réplique de son interlocutrice : « Votre philosophie avancée illumine les points obscurs de mon entendement et me fait comprendre la valeur intrinsèque des besoins spirituels. » (p. 83-84)
Sur le plan stylistique, on aura compris à ces deux phrases que les dialogues ne sont pas la force de l’auteur. Si ce dernier prend la peine de mettre l’expression « peuchère » à plusieurs moments dans la bouche de Marcellin pour rappeler ses origines marseillaises, il permet rarement aux autres personnages de témoigner d’un parler québécois, et encore moins saguenéen. Alors que les personnages sont des amis de pêche de longue date, leurs conversations téléphoniques s’apparentent à une correspondance formelle du XIXe siècle : « Voilà, samedi soir prochain, ma femme et moi célébrerons la première décennie de notre vie conjugale tout en organisant une soirée dansante agrémentée d’un copieux repas. Nous comptons beaucoup sur ta présence pour honorer cette circonstance mémorable. » (p. 15)
Les passages narratifs, hormis quelques phrases un peu lourdes ou ampoulées (« La situation se passait de commentaires superflus » [p. 33], « La Buick filait à une allure réglementaire dans Solaris » [p.16-17], etc.), sont toutefois bien écrits dans l’ensemble, et le travail d’édition est lui aussi satisfaisant. Bien qu’on aurait aimé en trouver un peu plus dans le genre, on apprécie les images loufoques que constitue la girafe à colliers ou la vache sur le toit, auxquelles les illustrations de Gabriel de Beney viennent donner forme.
On s’étonne cependant de voir, dans le style comme dans la narration, des références peu appropriées à un public de jeunes lecteurs, comme la définition philosophique de l’amour platonique (p. 77), ou celle du « drame hallucinatoire que ressentent les habitués du LSD » (p. 121). Les références à la Buick de Richard reviennent du reste si souvent qu’on se demande à l’occasion si la publication du livre n’a pas été subventionnée par General Motors. Dans une ville futuriste entièrement alimentée à l’énergie solaire, on aurait souhaité voir une voiture un peu mieux adaptée aux goûts du jour. On félicite néanmoins les Solarisiens pour ce statu quo énergétique, qui épargnent ainsi un peu mieux le Soleil pour les habitants de Pluton. [CaJ]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 274-276.
Références
- Lortie, Alain, Requiem 19, p. 16-17.