À propos de cette édition

Éditeur
Brousseau et frères
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Les Soirées canadiennes, vol. III
Pagination
81-88
Lieu
Québec
Année de parution
1863

Résumé/Sommaire

Le père Michel raconte une expérience qu’il a vécue dans la baie des Chaleurs, une nuit qu’il revenait avec ses deux compagnons d’un voyage de pêche en mer. Il avait vu sur les eaux, à une lieue devant leur barge, un grand bâtiment en feu. Décidé à porter secours à ses passagers, il avait mis le cap sur le navire mais après une heure, il ne s’était toujours pas rapproché du vaisseau et celui-ci avait fini par disparaître. De retour sur la terre ferme, il avait raconté son aventure aux natifs de la place qui avaient déjà vu le phénomène et prétendaient qu’il s’agissait d’un navire anglais en proie à la géhenne éternelle en guise d’expiation pour la déportation des Acadiens.

Commentaires

À la version traditionnelle du vaisseau fantôme, Joseph-Charles Taché greffe une interprétation historique dans ce récit populaire. En effet, le navire en feu qui hante la baie des Chaleurs appartient à la flotte anglaise qui a déporté les Acadiens en 1755.

Il est intéressant de voir comment la littérature orale s’est emparée d’une histoire apolitique au départ pour lui donner une signification politique et historique qui conforte les victimes dans leur bon droit. Là où la justice humaine est impuissante à défendre le peuple acadien, la justice divine prend le relais dans l’imaginaire de ses descendants. Là où le réel échoue, la littérature réussit à venger les victimes du conquérant anglais.

« Le Feu de la baie » est un récit qui joue le rôle d’une véritable catharsis dans l’imaginaire du vaincu, qui fait figure de véritable rituel compensatoire dans l’inconscient collectif d’un peuple humilié. À cet égard, il recèle un pouvoir d’identification tout aussi puissant et efficace pour le peuple québécois.

Le conte de Taché se distingue aussi par l’attention qu’il porte à la nature et aux paysages. La preuve en est cette description naturaliste d’une baleine attaquée par un espadon et un dauphin-gladiateur. Cette digression dans le récit déjà court du père Michel constitue un document d’une grande valeur.

Autre particularité à signaler : l’auteur n’appelle jamais le diable par son nom. Il utilise un surnom inusité : Charlot. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 187-188.