À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 58
Pagination
59-65
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1991
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un adolescent de 16 ans tue un gardien de musée pour mettre la main sur un collier de grande valeur : les Feux de l’aurore. Il est pris sur le fait, condamné. Le jour de l’exécution sur la place publique arrive. Alors que le jeune voleur se rend à l’échafaud, un inconnu lui offre un présent : une réplique remarquable des Feux de l’aurore. Le jeune homme est heureux. Puis tout se bouscule. Des étrangers ont préparé son évasion. L’adolescent est amené dans un autre pays. Trente ans passent. Le temps de se marier, d’avoir des enfants, de devenir taciturne et gris. L’homme regarde les trains passer. Il ne risquerait plus rien s’il retournait dans son pays d’origine…

Commentaires

Comme dans les autres récits d’Esther Rochon, « Les Feux de l’aurore » se déroule dans un temps indéterminé et dans un univers parallèle. Ce pourrait être la Terre : les paysages, les personnages et les modes de vie ressemblent aux nôtres. Seuls de petits indices, tels les noms de villes ou de peuples, indiquent qu’il s’agit bien d’un ailleurs. Aussi, l’effet de distanciation propre à la science-fiction sera-t-il faible dans ce texte, provoqué essentiellement par le regard porté sur le monde et les êtres. Un regard autre, différent, qui nous rend étranger à nous-mêmes. La distanciation s’opère fondamentalement en soi.

« Les Feux de l’aurore » joue sur les contrastes, ce qui caractérise d’ailleurs l’ensemble de l’œuvre d’Esther Rochon. Le sens de la vie et le sens de la mort, indissociables, sont à nouveau interrogés. C’est dans les quelques minutes qui précèdent sa mise à mort que le condamné est le plus vivant. Les Feux de l’aurore au cou, dans un jeu flamboyant de lumière et aux côtés d’un bourreau noir comme la mort, l’adolescent se sent comme un roi : « J’étais en somme heureux. » Mais après l’évasion, dans le pays d’adoption, l’homme s’éteindra à petit feu. Vaut-il mieux être un « condamné en plein soleil », ou un homme « libre dans un wagon noir » ?

Le personnage principal des « Feux de l’aurore » vit/subit un déplacement d’un lieu à un autre, d’un état à un autre. Il se retrouve ailleurs, détaché de lui-même, dans un lieu de transition qu’il compare à des limbes. L’homme n’arrive pas à trouver la paix intérieure, à s’inscrire véritablement dans son nouvel environnement, à trouver un sens à la vie. Car une question le tourmente : « Où est la grandeur, la vraie ? » Dans les grands gestes spectaculaires, dans les petits gestes du quotidien ? Cette question le ramène en pensée à son pays d’origine, à un moment magique du passé, aux Feux de l’aurore.

Cette nouvelle, racontée à la première personne mais avec une certaine neutralité, exploite des images et des thèmes chers à l’auteure : la quête existentielle, le trajet dans un lieu clos, la découverte de l’étranger en soi ou la (re)découverte de soi à l’étranger, l’opposition vie/mort, lumière/noirceur. Pour le lecteur fidèle de Rochon, « Les Feux de l’aurore » ne réserve aucune surprise. Ce qui n’enlève cependant rien à la qualité littéraire du texte. Car « Les Feux de l’aurore » exerce une réelle fascination. Comme tout ce qui brille. [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 141-142.