À propos de cette édition

Éditeur
Médiaspaul
Titre et numéro de la série
Les Mystères de Serendib - 5
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 116
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
149
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
ISBN
9782894203583
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une mystérieuse maladie frappe durement (et mortellement) les populations reculées de Serendib. Des peuplades technologiquement arriérées ; des tribus longtemps adaptées à leur environnement, confrontées à une épidémie qui laisse des villages entiers complètement vides de vie, jonchés de cadavres. Impuissants, les habitants fuient en masse leurs villages. Katrina McDonal, agnosophiste originaire de Nou-Québec et amie d’Anne et Mikkkilo, s’est engagée dans les environs. Elle suscite la méfiance à cause de sa chevelure rousse, puisque le bruit court que les responsables de l’épidémie seraient, comme elle, des étrangers venus en astronef – et l’un d’eux était roux.

Katrina se donne pour mission de remonter à la source de la maladie, dans une enquête sur le terrain rappelant celles que mène, aux États-Unis, le Center for Disease Control (CDC). Elle retrouve les étrangers à l’origine du mal : une simple équipe commerciale, dont les membres ont attrapé un simple rhume. Mais comme la petite vérole dévastatrice introduite en Amérique par les explorateurs européens, cette banale infection, par contamination croisée, a provoqué une catastrophe épidémiologique – et le responsable, le chef de cette mission commerciale illégale parce que non autorisée par le gouvernement de Serendib, est un xénobotaniste nou-québécois… et le père de Katrina.

Commentaires

Dans cet ultime tome de la série Les Mystères de Serendib, Jean-Louis Trudel change radicalement le cadre de l’intrigue en se recentrant cette fois autour du personnage de Katrina McDonal, originaire de Nou-Québec et amie d’Anne et Mikkkilo, les héros des quatre premiers tomes. Lors d’une table ronde en marge du congrès Boréal 2014, Jean-Louis Trudel avait affirmé que quelque temps après avoir terminé la rédaction du quatrième tome des Mystères de Serendib, lequel devait, au départ, être le dernier de la série, il s’était rendu compte qu’il avait omis de creuser un élément de son univers qu’il concevait pourtant comme étant particulièrement riche de sens : l’agnosophisme. Insatisfait, il avait ensuite contacté son éditeur afin d’écrire une ultime histoire prenant place sur la planète de Serendib, mais cette fois en prenant pour personnage principal Katrina, justement afin de creuser ce concept, cette pseudo-religion de l’agnosophisme.

Le roman qui en résulte détonne nécessairement du reste de la série, sans pour autant être inintéressant – loin de là. En effet, Mikkkilo et Anne sont complètement évacués du récit, ce qui peut certes déstabiliser le lecteur, tout comme le cadre, situé dans les jungles les plus reculées et inhospitalières de Serendib. Un cadre exotique, certes, au même titre que les tribus frappées par la maladie. En elles-mêmes, ces peuplades somme toute primitives surprennent, puisqu’on se demande constamment comment des tribus semblables à des aborigènes peuvent exister sur une planète qui est, finalement, le fruit d’une double colonisation. Question éludée qui ne sera jamais satisfaite, alors qu’on assiste, avec l’introduction du personnage de Sanjay, un indigène, à une forme de duplication des modalités du premier tome – soit une dualité entre le natif et l’étrangère sur fond d’amitié naissante et d’exotisme dans les descriptions de la xénobiologie de Serendib.

En réalité, ce cadre, autant que l’intrigue concernant l’épidémie, ne sont qu’un prétexte à la présentation de la philosophie agnosophiste, comme le souhaitait l’auteur. J’écris « philosophie », parce que l’agnosophisme relève davantage de Sartre que de Jésus, au sens où, bien qu’elle soit perçue comme une forme de religion par les observateurs extérieurs, elle relève davantage de l’exercice de pensée, puisqu’elle apparaît comme une sorte d’hybride entre la logique scientifique, la dialectique, le rationalisme et l’humanisme. Un agnosophiste est donc une personne adoptant en permanence une posture critique et rationnelle devant tout problème ou phénomène, tout en conservant un altruisme désintéressé qui le pousse à adopter une vue d’ensemble propre à assurer le bien-être de la collectivité tout entière.

Marginalisés, voire même ostracisés dans certains coins de l’Empire (dont Nou-Québec, où ils sont forcés de porter une robe brune), les agnosophistes me sont néanmoins apparus non seulement sympathiques mais invitants, et pour cause : Trudel, à travers ce roman, fait une apologie des intellectuels de gauche, traditionnellement anticléricaux, pacifistes, humanistes et rationalistes, auquel l’auteur de ces lignes s’identifie nécessairement. En ce sens, il est probable que les auditeurs d’une certaine radio parlée de Québec, dont je tairai le nom, détestent allègrement le personnage de Katrina McDonal et ce qu’elle représente ; mais pour ma part, celle-ci m’est apparue, au contraire, fonceuse, intéressante, captivante, intègre et éminemment féministe.

La chute, à ce sujet, pourrait étonner certains lecteurs, puisque Katrina n’hésite pas à dénoncer son père aux autorités, trahissant ainsi non seulement sa famille, mais également sa patrie d’origine – Nou-Québec. Pourtant, son père avait, en un sens, des buts nobles, bien que chauvins : il s’intéressait aux hybrides floraux ayant émergé à la suite de la terraformation de Serendib, puisque la planète possédait déjà une nature avant sa transformation et ce, afin d’en faire bénéficier Nou-Québec. Par ailleurs, s’il est responsable de l’épidémie, c’est également par accident. Sauf qu’aux yeux de Katrina, cela n’excuse en rien les morts, et cette intégrité toute particulière et caractéristique des agnosophistes pousse celle-ci à une trahison dont le ton que lui confère Trudel n’est pas celui de la tragédie ou du déchirement intérieur, mais plutôt de la justice rendue et d’un sentiment d’appartenance naissant envers sa nouvelle patrie, celle que le lecteur en est venu à aimer tout au long de ces cinq romans : Serendib.

Aussi, pour ma part, cette trahison n’a fait que conforter l’image positive que je m’étais déjà créée de la rouquine en question, au point où, en refermant le livre, je me suis posé la question : serais-je un agnosophiste qui s’ignore ? [MRG]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 191-193.

Références

  • Cadot, Richard, Lurelu, vol. 20, n˚ 2, p. 34-35.
  • Martin, Christian, Temps Tôt 44, p. 53.