À propos de cette édition

Éditeur
Prise de parole
Genre
Fantastique
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
63
Lieu
Sudbury
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Commentaires

En feuilletant la page des crédits du dernier recueil de Jocelyne Villeneuve, je consultais la liste de ses parutions anté­rieures au sein des­quelles je remarquais deux livres qui m’étaient totalement in­connus, Terre des songes, paru aux éditions du Vermillon en 1986 et Contes de Noël, publié aux éditions des Plaines en 1987, sans compter deux titres anglais, démontrant le bilinguisme de l’auteure.

Si je me permets de faire ces obser­vations, c’est pour montrer l’ampleur de la tâche qui nous incombe à L’Année… lorsque vient le temps de trouver le livre contenant ce fantastique et cette science-fiction que nous nous sommes donnés comme tâche de recenser. Jocelyne Ville­neuve touche souvent au fantastique, à preuve Les Friperies, recueil essentiel­lement fantastique. L’éloignement relatif du support de ses publications, ici les éditions Prise de Parole de Sudbury, le nombre restreint d’exemplaires dudit recueil et sa diffusion aléatoire font que c’est presque totalement par hasard que nous avons été mis au courant de son existence. Quant aux deux autres livres de l’auteure mentionnés plus haut et dont les titres me semblent évocateurs d’un certain fantastique, ils témoignent, de par leur invisibilité sur les tablettes de nos libraires québécois, du péril encouru par la culture française au Canada face aux distances impressionnantes et à la pression anglosaxone qui submerge de plus en plus l’extérieur du Québec, reléguant les productions canadiennes-françaises à des tirages minuscules et presque sans impact. Une autre preuve, si besoin était, qu’en cette ère "meechienne mi-louve", l’une des deux solitudes n’a même plus la chance de se parler à elle-même !

Quatre nouvelles fantastiques donc dans Les Friperies, quatre expres­sions différentes de ce genre et qui forment une certaine boucle puisque sont au rendez-vous réincarnation et manifestation étrange, envoûtement et encore réincarnation, bien que cette dernière thématique soit traitée de façon diamé­tralement opposée dans « Fil d’argent, fil rompu » et « Marjo­laine ». Le premier texte place en effet le lecteur dans ce no man’s land du néant séparant deux incarnations, tandis que le dernier, sans nul doute l’histoire la plus réussie du recueil, raconte la souvenance d’une ancienne existence passant dans les yeux d’une petite fille de deux ans.

Jocelyne Villeneuve possède une écriture efficace et un sens certain de la narration bien que le classicisme de sa manière ne laisse pas de croire à un certain désengagement émotionnel de l’auteure. C’est du moins l’impression ressentie à la lecture des trois premiers textes, comme si Jocelyne Villeneu­ve, possédée du besoin d’écrire, le faisait un peu par routine, se contentant de raconter sans habiter. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsqu’on aborde « Marjo­laine »où, tout à coup, l’écriture se fait plus recherchée, le propos plus serré. Le résultat est significatif : l’émotion d’Édouard, ce veuf à la fois peintre et professeur, coule dans les veines du lecteur de façon naturelle et la révélation finale, quoique soupçonnée depuis le début, n’en émeut pas moins.

La nouvelle éponyme, la plus longue du recueil, permet de développer la trouble atmosphère d’un jeune couple aux prises avec certaines diffi­cultés de vie. L’irruption du fantastique – une robe qui a gardé l’essence de son ancienne propriétaire, morte des mains de son amant alors qu’elle la portait – leur permettra de se réapproprier l’un l’autre. Quant à la nouvelle « Les Feux Saint-Elme », dont nous avions déjà parlé lors de sa première parution en revue, c’est de loin la plus décevante du recueil. À force de suivre le moule du fantastique canonique, l’imaginaire se meurt de clichés.

Bien que le recueil soit d’une minceur décevante – 63 pages de paragraphes aérés, c’est encore plus mince qu’un VLB ! –, Les Friperies permettent à Jocelyne Villeneuve d’étaler au grand jour ses capacités de conteuse. On se prend à souhaiter une présence plus significative de sa plume dans les pages de nos périodiques culturels québécois, unique façon véritable pour les écrivains francophones hors Québec de se faire connaître de la seule "majorité francophone nord-américaine". [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 212-214.

Références

  • Bergeron, Patrick, Dictionnaire des écrits de l'Ontario français, p. 362-363.