À propos de cette édition

Éditeur
Brousseau et frères
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Les Soirées canadiennes, vol. I
Pagination
97-109
Lieu
Québec
Année de parution
1861

Résumé/Sommaire

Un missionnaire, accompagné d’un voyageur canadien et de deux Maléchites, se rend en Gaspésie pour y réactiver la mission. Une nuit, lors d’une halte aux Méchins, l’un des Indiens, le seul infidèle du groupe, apercevra le géant Outikou appuyé sur un pin déraciné lui servant de bâton de marche. Il presse alors le missionnaire de le baptiser, car Outikou ne mange pas les Sauvages qui ont reçu le baptême et qui prient.

Commentaires

Ce court texte fait suite à deux autres, « L’Îlet au Massacre ou l’Évangile ignoré » et « Le Sagamo de Kapskouk ou l’Évangile prêché ». Parus ensemble la première fois et liés entre eux par un prologue général et des rappels, ils rapportent des faits et légendes survenus à environ un demi-siècle d’intervalle chacun.

À la lecture du prologue et des « seconds titres », le projet de l’auteur devient évident. Tout d’abord, en ces terres, une barbarie sans nom régnait. On en verra l’exemple dans ce triste fait historique qu’est le massacre du Bic. Puis, avec l’arrivée des Français vint la religion qui, si elle fut bien acceptée dans sa « vérité », rencontra une vive résistance à propos du mode de vie. C’est « Le Sagamo de Kapskouk ou l’Évangile prêché », selon moi le texte le plus percutant des trois. Mais la résistance s’effritera et la force du christianisme triomphera de tout, comme le prouve la dernière histoire, celle qui nous intéresse ici, de par son côté merveilleux.

Outre l’intérêt moralisateur cher à l’époque, Taché, dans son prologue, souligne un autre point majeur qui l’a poussé à relater ces faits et légendes, l’oubli qui les guette.

Il faut donc donner crédit à l’auteur pour nous les avoir relatés de façon aussi claire et concise. L’écriture de Taché, en effet, est alerte, directe. On passe des descriptions aux scènes d’action sans s’empêtrer dans des détails superflus, les qualificatifs pompeux et autres ronds de jambe chers aux prosateurs du XIXe cèdent la place plus souvent qu’à leur tour à une nette volonté d’accélérer le débit du récit et de garder l’intérêt du lecteur.

En somme, Joseph-Charles Taché, dans « Le Géant des Méchins » et les deux récits précédents, a fait un honnête travail de conteur, doublé de celui d’un archiviste conscient du danger de l’oubli des connaissances non écrites.

En tout dernier lieu, on ne peut passer sous silence la dernière pensée de l’histoire et, par le fait même, de la trilogie entière. Outikou, le géant dévoreur indien, face à la « protection chrétienne », devra s’exiler dans le Grand Nord, au lac Mistassini, là où habitent « … les Nashkapiouts ou sauvages qui ne prient point. » Et la conclusion tombera, inexorable :

« Espérons qu’Outikou sera chassé de son dernier repaire.

Alors si, comme tout semble le présager, ces belles races primitives du Canada sont destinées à disparaître des rangs de la famille humaine, elles iront finir et se perdre dans le sein de Dieu.

Pauvres, mais heureuses nations ! »

Quel bel exemple de ces mentalités sous-jacentes à un peuple et à une époque que l’on oublie trop facilement ! [JPw]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 189-190.