À propos de cette édition

Éditeur
UQAM
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Nouvelles fraîches 5
Pagination
5-8
Lieu
Montréal
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une femme consulte un psychanalyste. Elle s’appelle France et elle travaille comme libraire. Sa visite a pour but de parler de « l’homme aux livres ». Une fois par semaine, cet individu se présentait à sa librairie et achetait toujours le même livre. Intriguée, la libraire avait cherché à comprendre le but de ce manège. Un jour que l’homme était arrivé en retard, elle avait remarqué qu’il avait subitement vieilli d’une dizaine d’années. Peu à peu, France avait découvert le lien vital unissant l’individu à son livre : il s’alimentait à même le texte dont les mots s’effaçaient à mesure qu’ils étaient absorbés. La mort de l’homme, au moment où le livre était devenu introuvable, avait confirmé cette terrible hypothèse. Son histoire terminée, France découvre avec horreur que son psychanalyste est mort. Lui aussi était un « homme aux livres ».

Commentaires

Pour ceux qui sont familiers avec la psychanalyse, le titre de cette nouvelle évoquera deux textes canoniques de Freud : l’homme aux rats et l’homme aux loups. Ce n’est donc pas une surprise si le texte d’André Lemelin se déroule dans le cabinet d’un psychanalyste pour mettre en scène ce qui relève de l’ordre de la névrose obsessionnelle. Mais il ne s’agit pas forcément d’un cas au sens médical du terme. Le lecteur est plutôt confronté à une histoire de vampirisme où le sang est remplacé par une autre substance : les mots écrits d’un certain livre.

Cela dit, cette histoire est beaucoup plus proche de Franz Kafka que de Bram Stocker. Jamais l’hypothèse surnaturelle ou maléfique n’est soulevée par le texte. France, le personnage principal, est victime d’un piège où la réalité, contaminée par un fait étrange, va s’écrouler sur elle et l’abandonner à la limite de la folie. L’originalité de cette histoire est évidemment de détourner des éléments vampiriques pour souligner toute l’ambivalence dans l’acte de « dévorer un livre », le côté quasi alimentaire de cette activité intellectuelle. Par contre, l’absence de toute dimension existentielle permettant au lecteur de s’identifier au dérapage mental de France enlève une bonne dose d’efficacité au texte. À défaut d’explication surnaturelle, la confrontation de la libraire à un médecin souffrant du même « mal » semble tout à fait gratuite sinon dans l’ordre d’un délire psychotique. Pourtant, rien dans le texte ne semble suggérer cette éventualité.

André Lemelin est toutefois un conteur émérite et son écriture est ici des plus compétentes. Si les prémices de sa nouvelle sont prometteuses, sa conclusion laisse le lecteur (sans jeu de mots) sur sa faim. Soulignons que cette nouvelle a mérité le premier prix du concours de nouvelles Nouvelles fraîches en 1989. [ML]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 255-256.