À propos de cette édition

Éditeur
Alire
Titre et numéro de la collection
L'ASFFQ
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Année 1992 de la science-fiction et du fantastique québécois
Pagination
253-257
Lieu
Beauport
Année de parution
1997
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Victor a beaucoup d’appétit et ce, depuis qu’il est tout enfant, mais malgré cela il ne grossit pas. Devenu adulte, il finit par occuper le plus clair de son temps à se nourrir, non par plaisir mais par besoin. Ses supérieurs s’en rendent compte, mais comme il travaille dans un centre de recherche en énergie nucléaire, au lieu de se faire congédier, il devient sujet d’expériences pour les médecins. Ceux-ci constatent que la nourriture disparaît tout simplement de l’estomac de Victor. Cependant, celui-ci a de plus en plus faim. Il découvre un jour qu’il peut mieux satisfaire son appétit en ingérant du métal. Il devient ainsi un dévoreur de bicyclettes et de fers à repasser, sans que la médecine comprenne mieux la nature de son cas.

En fin de compte, cependant, on constate l’existence dans son estomac d’un minuscule trou noir. Les scientifiques ne peuvent pas se prononcer sur ce qui permet à Victor de survivre à la chose, ni sur ce qui rend le phénomène stable tant que Victor s’alimente. D’ailleurs, l’est-il, stable ? Dans le doute, on ne s’abstient pas et on expédie Victor loin du système solaire dans une fusée, laquelle disparaît des écrans de poursuite lorsque Victor ne peut plus se nourrir. Le trou noir continuera sur sa lancée, espère-t-on – en faisant disparaître toute trace de l’existence de Victor, sauf un dossier ultrasecret dans les archives militaires, portant « … le nom de code poétique l’homme qui avait avalé un gouffre ».

Commentaires

Ce « nom de code poétique » est non seulement la finale mais sans doute aussi le moteur essentiel de ce texte qui aurait pu être purement fantastique mais qui réussit, par d’habiles et discrètes notations, à raser la science-fiction, de type fantaisiste, mais tout de même : on peut voir à l’œuvre ici le « code poétique », c’est-à-dire créateur, de la SF : le phénomène de rationalisation de l’imaginaire fantasmatique (rationalisation délirante, certes), l’obstination dans la poursuite du processus hypothético-déductif (à effet sarcastique ici, sans aucun doute). Car enfin, tout ce récit est une dérive sur la bonne vieille expression « avoir un creux dans l’estomac ».

Mais seuls importent en aval la dimension ludique et, oui, poétique de ce joli petit texte sans bavure, le plaisir visiblement pris par l’auteur à créer un pur être de langage et à l’asseoir ensuite dans une réalité juste assez décalée aussi pour que le tout tienne debout. Sans oublier le plaisir plus sombre éprouvé par le lecteur à suivre le déroulement de ce qui est, somme toute, le condensé d’une tragédie à l’issue obligatoirement fatale, où microcosme et macrocosme s’emboîtent de façon vertigineuse (on pense d’ailleurs à l’une des bestioles du Sous-Marin Jaune dans le dessin animé des Beatles, celle qui se retourne comme un gant pour s’avaler elle-même).

Une critique plus sociologiquement biaisée que moi pourrait sans doute y lire une métaphore de la société moderne – ou, une philosophe, une métaphore de l’être humain. Mais ne formalisons pas, ne formolisons pas ce texte, laissons-le à son vrombissement bigarré, juste assez erratique, aux quatre coins de notre imagination. [ÉV]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 149-150.