À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Uchronie
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 107
Pagination
5-17
Lieu
Ville-Marie
Année de parution
1993
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Le jeune André Antonikas, spécialiste des orgues à traitement de signes, accompagne son maître Adam de Cantorbery à un synode œcuménique rassemblant des sommités mondiales. Deux thèses sur l’évolution historique s’y opposeront : une première défend le monochronisme alors que la seconde, celle à laquelle se rallie Antonikas, la conteste. Un huitième registre vient d’être inventé en secret ; il permettra à Cantorbery de prouver l’existence possible de bifurcations dans le cours de l’Histoire. Cette thèse remettra complètement en question le monochronisme qui domine la pensée depuis quatre cents ans. Mais l’inventeur du 8e registre de l’orgue à traitement de signes est assassiné avant que la démonstration de la nouvelle théorie ne soit faite. Et les plans du registre ont été détruits. C’est la défaite pour Cantorbery et les siens. Les années passent. Antonikas se fait vieux. Mais voilà qu’il reçoit par courrier une petite touche de bois qui lui permettra d’accéder à une copie des plans. À l’aide du 8e registre, André Antonikas découvre une autre Histoire. Peut-être la vraie…

Commentaires

À quoi ressemblerait notre monde si… ? Alain Bergeron se prête au jeu de l’uchronie dans cette nouvelle longuement développée. Nous sommes en 1994. Les pays de l’Occident sont réunis sous la bannière de l’Empire romain, et les autorités ecclésiastiques ont préservé leur emprise sur le monde, sous la gouverne du pape et de ses acolytes. Les femmes vivent dans l’ombre du pouvoir et restent tributaires des hommes. Le Nouveau Continent n’a été découvert qu’en 1809 et la ville de Mont-Boréal a été fondée un siècle plus tard.

Du côté de l’Orient, l’Empire chinois domine. C’est la guerre froide entre les deux empires. Les Chinois s’apprêtent même à devancer les Occidentaux par l’envoi d’une première fusée vers la lune. Voilà à quoi aurait pu ressembler notre monde si l’Empire romain avait résisté aux invasions barbares, vaincu la Perse aux côtés des Arabes, et que Mahomet avait rallié les Arabes à la religion chrétienne… La chute de Constantinople n’aurait jamais eu lieu. Alors ? Il semble qu’un monde sans l’islam n’aurait guère été plus avantageux… (c’est bien là le genre d’ironie qu’affectionne Alain Bergeron).

Pour apprécier à leur juste valeur les parallèles établis entre le monde imaginé et le nôtre, il faudra réviser vos notions d’histoire (personnages, événements, périodes, rapports sociopolitiques, etc.). Le plaisir sera alors entier. Et puis, reconnaître des lieux connus sous une nouvelle identité ne manque pas de charme : le synode se déroule en Galactée, sur l’île de Mont-Boréal, et le long fleuve Galacta se jette dans la mer Atlas. Nos voisins du sud vivent en Arkadie ; certains voyagent en orniptères. L’orgue à traitement de signes apparaît comme le pendant de nos ordinateurs. N’oublions pas que la religion chrétienne colore tout en ce monde. L’orgue devient donc un instrument privilégié : c’est lui qui a permis de détecter un trou béant dans la courbe temporelle, quelque part au début du VIIe siècle, et d’émettre l’hypothèse d’un temps parallèle. Et ainsi de suite… Bergeron intègre à ce décor – un singulier amalgame du Moyen Âge et de l’époque moderne – des éléments de suspense qui donnent lieu à de judicieux rebondissements.

« Le Huitième registre » rappelle enfin que foi et science ne font pas nécessairement bon ménage. Les théories de la probabilité mises au jour grâce au nouveau registre s’attaquent à des croyances profondément enracinées, à des certitudes qui assuraient une stabilité à l’Empire. L’existence d’une courbe temporelle autre remet en question la vision qu’a l’homme de lui-même dans son rapport au monde et, surtout, dans son rapport à Dieu (au pouvoir). Car si le hasard constitue un facteur qui agit sur le cours de l’histoire, quel rôle incombe alors au grand Créateur ? Il faut sans doute en déduire que les « Copernic », peu importe les visages qu’ils empruntent, sont de tous les temps… Et qu’Alain Bergeron est l’une des voix les plus originales et les plus brillantes de la SFQ. [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 17-18.