À propos de cette édition

Éditeur
Triptyque
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
80
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[1 SF ; 4 FA ; 1 FY ; 5 HG]
Transparence
En repli
Tourbillon chaud
Cache-cache
Point-virgule
Info-foudre
Poissons et tortues
Les Minous roulent
Les Nains
Deux portraits
Petit Conte surprise

Commentaires

J’ai des petites nouvelles pour toi est un petit recueil de onze courts textes marqué par une prédominance du fantastique. Contrairement à la majorité des auteurs, Nathalie Parent utilise le fantastique comme un élément ludique dans ses textes, comme un moyen pour accéder à l’émer­veillement et pour retrouver son âme d’enfant. C’est dire qu’il y a aussi une part de merveilleux qui colore ce fantastique nullement maléfique à tel point que le dernier texte, « Petit Conte surprise », est un véritable récit merveilleux agrémenté d’une charmante morale comme les contes de fées traditionnels qui ont bercé l’enfance de tout lecteur.

Mais la principale faiblesse du recueil de Nathalie Parent réside dans sa composition même. Elle introduit dans le sommaire trois nouvelles (« Cache-cache », « Poissons et tortues » et « Les Minous roulent ») destinées manifestement à de jeunes lecteurs par le sujet qu’elles abordent et le traitement que l’auteure leur réserve. D’où la question inévitable : À qui s’adresse J’ai des petites nouvelles pour toi ? Aux adultes ou aux enfants ? Cette indécision dessert grandement le recueil d’autant plus que les trois nouvelles mentionnées m’apparaissent moins originales et s’inscri­vent dans un autre registre, celui de la fantaisie réaliste.

L’autre reproche que l’on peut faire à l’auteure, c’est d’utiliser une écriture qui n’est pas toujours à la hauteur des situations extraordinaires qui sont décrites. Cette simplicité de l’écriture, qui s’en tient à la des­cription plate des gestes des personnages, semble tout à fait étrangère aux événements fantastiques qui surviennent. Ceux-ci sollicitent le sens de l’émerveillement et l’imagination du lecteur mais l’écriture demeure continuellement en retrait, amorphe et monotone.

Cela est particulièrement manifeste dans « Transparence » qui ouvre le recueil. L’héroïne est interpellée par un livre qui l’invite à se glisser entre ses pages pour y chercher le personnage qui manque à cette histoire. Elle est projetée en plein Moyen Âge. Or, tout cela se fait de façon placide comme si le côté spectaculaire de l’aventure était renié par le style impersonnel. Cette nouvelle est tout de même la meilleure du recueil car elle est bien construite et ne manque pas d’originalité. Le propos sert très bien à illustrer la magie contenue dans un livre et l’expérience fascinante que procure souvent la lecture. Sans en emprunter la formule, cette nouvelle constitue d’une certaine façon une réponse intelligente aux “livres dont vous êtes le héros”.

La même admiration pour les mots se retrouve dans « Point-virgule » qui apparaît un peu comme une variante du récit précédent. Le personnage principal parcourt littéralement les pages d’un livre et se rend compte après un certain temps que ses pas composent les lettres de ce livre et qu’il participe au grand œuvre de l’humanité. L’amour des livres qui nous parlent de mille manières et déclenchent des émotions esthétiques est bien servi aussi par la nouvelle intitulée « Deux portraits », hommage discret à un poème d’Émile Nelligan. Ce sont là les meilleurs textes du recueil avec le conte merveilleux qui met en scène un ogre voulant changer d’emploi et se transformer en grenouille dans « Petit Conte surprise ».

Les autres nouvelles sont plutôt disparates et d’un intérêt inégal. « En repli » montre deux adolescents frondeurs qui saisissent toutes les occasions qui se présentent d’afficher leur indépendance et de mimer le comporte­ment des adultes. Le portrait est à peine esquissé mais il dépeint assez justement les jeunes d’aujourd’hui. Toutefois, l’expérience que connaît Max dans le tunnel qui croise le corridor du métro reste obscure. On se demande quelle sont sa portée et sa signification. Le vieil homme qu’il rencontre lui dit : « Je prends la lumière, je la réduis dans sa vitesse de vibration et crée ce qui pour toi est de la matière. […], ici nous sommes dans la probabilité de l’univers immatériel. » Ah bon ! Voilà le genre de considérations qui m’agacent souverainement.

Heureusement, Nathalie Parent retrouve son sens de l’humour dans « Info-foudre », une amusante nouvelle de SF où la méprise du personnage central, Bill, rappelle celle de Réjean dans « Downtown » d’André Berthiau­me, dernière nouvelle du recueil Incidents de frontière. Enfin, un mot sur « Tourbillon chaud » qui, comme trois autres textes, a été publié dans Moebius 37. La présente version fait plus de trois fois la longueur de celle qui a été présentée dans la revue. L’expérience de la narratrice y est plus explicite et la conclusion nous autorise à y voir le résultat d’un délire onirique qui rangerait cette nouvelle dans la catégorie des textes sur­réalistes, comme nous l’avons fait pour Terminus d’André Morency, roman édité au Beffroi. Par contre, la version dans Moebius doit être considérée comme fantastique. Voilà un cas intéressant où un texte change de genre littéraire en changeant de format.

J’ai des petites nouvelles pour toi, comme le titre l’indique bien, propose modestement quelques plaisirs de lecture en adoptant un ton familier et léger. L’écriture de Nathalie Parent n’annonce pas encore une personnalité d’écrivain mais le fantastique qu’elle pratique, en évoquant un monde lumineux, différent mais rassurant plutôt que les ténèbres cachées et inquiétantes de l’âme humaine, apporte une vision originale de l’existence. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 120-122.

Références

  • Louthood, Louise, Lurelu, vol. 12, n˚ 2, p. 36.