À propos de cette édition

Éditeur
L'instant même
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Chronique des veilleurs
Pagination
75-78
Lieu
Québec
Année de parution
1993

Résumé/Sommaire

Pendant que le soir tombe, un promeneur solitaire arpente les rues d’une ville anonyme où il vient d’arriver. Il traverse ainsi des places et des quartiers populaires, longe de larges boulevards, aperçoit des palais et d’autres édifices imposants. La foule des passants se disperse à mesure que l’obscurité oblitère les couleurs. Le hasard de son exploration mène le promeneur à une petite place que de rares flâneurs désertent, justement. Un inconnu semble l’attendre là, près d’une fontaine. Le promeneur lui adresse d’abord la parole, puis ils font plus ample connaissance. D’une confidence à l’autre, l’homme de la fontaine finit par raconter qu’il a été assassiné. Il laisse ainsi comprendre au promeneur qu’il est arrivé depuis des heures au bout de la route, dans le monde des morts.

Commentaires

Dans ce court texte – à peine quatre pages –, Roland Bourneuf propose une allégorie de la mort. Le personnage qui attend au bord de la fontaine est un fantôme – au sens du dictionnaire : « Apparition surnaturelle d’une personne morte… » –, comme le reste des badauds, chalands et habitants de cette ville magnifique. Il fait également office de passeur, un Charron des temps modernes, qui veille, qui attend les clients.

Bourneuf va exploiter la tension qu’engendre le sentiment d’attendre quelque chose comme un ressort dramatique pour faire progresser le récit entre deux pôles : d’une part, la veille et l’attention à l’instant présent ; d’autre part, l’acceptation zen, l’abandon, la suspension des jugements, la soumission au passage du temps. Ici, la tension entre les pôles est répartie sur un duo d’acteurs, le promeneur et l’inconnu, l’un qui amène le sujet et l’autre qui en fait l’énoncé.

Bourneuf préfère construire dans la miniature, dans l’instantané, dans la suggestion plutôt que courir d’une intrigue à l’autre, de rebondissements en péripéties. Il aime mieux flâner que s’essouffler. Il n’a d’ailleurs pas besoin d’en faire plus pour illustrer, sans le crier sur les toits ni le souligner à gros traits, que tous ces moments qui tissent la trame d’une vie sont si fugaces finalement. Il dépeint des personnages légers, évanescents, qui semblent glisser sur la surface du temps sans laisser de traces. Même s’ils jouent les figurants et les acteurs d’un drame éternel, celui du passage de vie à trépas, sur grand écran fantasmatique et mythique. [RG]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 33.