À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
141
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[5 FA ; 3 SF ; 7 HG]
Je crée, donc je suis
N'importe où
Mécanique expérimentale
Carl
L'Enregistrement
La Bouffe
Alter ego
Dialogue
La Bête
La Tête de l'emploi
Le Héros
La Machination
Le Vacancier
Buffet froid
Chasse gardée

Commentaires

 Je commence toujours contre mon gré la lecture d'un recueil aussi mal présenté. La couverture de Je crée, donc je suis est plus que rébarbative, avec son gris uniforme, sa maquette quasi inexistante et cette illustration affligeante de la surface caractérisée de la Lune. Qui plus est, il s'agit d'un livre presque mythique puisque nous n'avons appris son existence que par le plus grand des hasards, son passage en librairie se faisant dans la plus totale discrétion. Pour achever le tout, l'éditeur n'a pas jugé bon de répondre à notre demande de service de presse.

C'est donc sur ces mauvaises notes que j'entrepris la lecture de ce court recueil de 15 nouvelles dont, faut-il le rappeler, je ne savais rien sinon qu'il pouvait contenir quelques histoires se rattachant à notre domaine littéraire. Quelques heures plus tard, mes sentiments avaient évolué vers une zone plus sereine. Sans aller jusqu'à dire que le recueil de Laurier Côté est excellent, son contenu m'a rapidement fait oublier mes jérémiades du début.

L'auteur, en quatrième de couverture, parle d'humour noir et de vitriol, et il est vrai que l'humour, soit-il noir, jaune ou « hénaurme », tisse la trame qui relie toutes ces nouvelles. L'humour… et l'action ! Car, il me fait plaisir de le dire, nous avons ici un auteur qui ne se perd pas inutilement en vaines conjectures philosophico-psychologiques. Pour Laurier Côté, le conte, la nouvelle, n'a rien à voir avec l'atmosphère, le moment. À la base de chacun des textes, une idée, un fait que l'on développera jusqu'à une conclusion évidente ou une chute plus ou moins percutante.

Cette démarche, très peu répandue malheureusement au Québec en dehors du milieu de la science-fiction et du fantastique spécialisé, dénote dans le cas de Laurier Côté des influences qui plongent leurs racines dans la science-fiction de l'âge d'or et le fantastique moderne américain. Sans oublier cette école vénérable qui a eu pour point de ralliement le Alfred Hitchcock Magazine et autres revues où l'idée et l'effet primaient sur la forme – sans jamais la désavouer cependant.

Huit nouvelles du recueil de Laurier Côté embrassent la science-fiction et le fantastique, soit un peu plus de la moitié, ce qui n'est pas négligeable. Les autres textes, pour ne pas en être, demeurent dans ces zones floues de l'insolite, du suspense, de l'horreur…

Mais parlons du style de l'auteur, de cette écriture enlevée qui le caractérise, où les dialogues sont menés à fond de train, où la description recherche l'effet, la surprise, où l'action mène toujours quelque part, vers ce but ultime que sera la chute, la conclusion, la révélation. D'atmosphère, peu ; de lyrisme, aucun ; de poésie, encore moins. À trop vouloir créer le choc spontané, sans artifice, Côté condamne ses personnages à une bidimensionnalité navrante, s'enfonce dans une sécheresse routinière. N'est pas Fredric Brown ou Jacques Sternberg qui veut ! L'art de la nouvelle à punch n'en est pas un de facilité.

Plusieurs textes de Côté sombrent, soit par manque d'originalité – « L'Enregistrement », « La Bête » – soit à cause d'une chute trop prévisible – « Carl », « Dialogue » – ou simplement manquée – « Mécanique expérimentale », « Le Vacancier ». Par contre, il atteint son but dans plusieurs autres textes, dont entre autres l'excellent « N'importe où… », dans lequel un chauffeur de taxi rencontre un client très particulier qui le paie pour rouler sans but toute la journée, puis lui demande s'il peut coucher dans le taxi la nuit, puis… ou encore « La Tête de l'emploi », où un collectionneur est prêt à payer le gros prix pour pouvoir continuer à collectionner… ses têtes assassinées. Ces deux dernières nouvelles n'auraient pas été les moins bonnes d'une anthologie de ce bon vieux Hitchcock ! On retrouve aussi dans ce recueil « La Bouffe », un texte très drôle avec une chute des plus réussies – le rire rabelaisien reste dans la gorge – où un étrange individu commande 300 Big Mac pour consommer sur place.

En définitive, Laurier Côté a produit un bon recueil, compte tenu du coefficient de difficulté. Et s'il n'atteint pas toujours ses objectifs, son niveau de réussite rivalise avec bien des auteurs-nouvellistes confirmés.

Pour clore, voici le titre des nouvelles qui complètent le recueil de Laurier Côté et que nous n'avons pas encore mentionnées : « Je crée donc je suis », qui ouvre le recueil et lui donne son titre, « Buffet froid » et « Chasse gardée » qui le ferment de belle manière, avec une agréable dose de cynisme et d'humour noir.

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 308-310.

Références

  • Laflamme, Steve, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 449.