À propos de cette édition

Éditeur
G.-E. Desbarats
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Mémoires
Pagination
186-199
Lieu
Ottawa
Année de parution
1866

Résumé/Sommaire

Le père Caron raconte une histoire qui s’est passée du temps où l’Anglais n’avait pas encore mis le pied au pays… Un soir, un jeune Huron frappe à la porte du curé de l’Islet. Il est porteur d’un message de Joseph Marie Aubé, mort après trois jours de fièvre. Dans son délire, l’homme disait craindre un ours qui en voulait à son âme. Seule une médaille de la Vierge, donnée par sa mère, réussissait à le tenir à distance. Mais Aubé tient surtout à ce que le curé sache qu’il s’est réconcilié avec Dieu avant de mourir.

Un an plus tard, le curé de l’Islet reçoit une lettre de France d’un collègue. Un possédé, qui avait retrouvé son calme trois jours durant, avait été repris par le démon et, lors de l’exorcisme, le suppôt de Satan avait affirmé qu’il avait été au Canada pendant ce temps afin de ravir, mais sans succès, l’âme d’un certain Aubé…

Commentaires

Les Mémoires de Philippe Aubert de Gaspé rassemblent plusieurs anecdotes que l’auteur affirme avoir oubliées de mentionner dans Les Anciens Canadiens. Celle qui est racontée par le père Laurent Caron met en évidence des figures typiques du Régime français : le fier sauvage, la sainte mère et le mauvais fils, le curé hardi et son bedeau nettement plus couard. Sans aller jusqu’à reprendre intégralement la langue du conteur, Aubert de Gaspé donne à son écriture les couleurs du terroir en y incorporant plusieurs termes du cru. Habilement, et non sans qu’on y sente la nostalgie du « bon vieux temps », le texte transmet aussi l’impression de bonne coexistence qui régnait au début du XVIIIe siècle entre les Premières Nations et les Canadiens avant l’arrivée des Anglais.

Le volet fantastique de cette légende est tout aussi intéressant puisqu’à une première partie traditionnelle et bien « canadienne » – un avatar de Satan tentant en vain de s’emparer de l’âme d’un pécheur – s’ajoute une deuxième partie « exotique » qui crée un bel effet de surprise en toute fin de lecture : le démon qui surveillait Aubé venait en droite ligne de la mère patrie ! Doit-on voir dans ces accointances un signe de nostalgie chez nos ancêtres, ou plutôt un secret espoir que le lien rompu ne le soit pas tout à fait ? Chose certaine, « La Légende du père Laurent Caron » demeure, encore de nos jours, d’agréable lecture grâce à l’excellente adaptation d’Aubert de Gaspé. [JPw]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 22-23.