À propos de cette édition

Éditeur
G.-E. Desbarats
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Mémoires
Pagination
415-433
Lieu
Ottawa
Année de parution
1866

Commentaires

Joséphine Lalande aime un beau jeune homme sans fortune qui s’exile dans le Haut-Canada, le temps de se doter des moyens suffisants pour convaincre le père de Joséphine de la lui donner en mariage. Pendant l’absence de son bien-aimé, la jeune fille continue de s’amuser. Un soir, à la faveur de l’apparition étrange d’un homme sur le perron de l’église, elle se moque de lui – pensant que c’est le bedeau qui s’est déguisé en curé –, en lui volant son bonnet, qu’elle range dans un coffre.

La même nuit, l’homme lui apparaît, lui demandant de lui remettre son bonnet. Comme Joséphine devient nerveuse au point d’en être malade, on demande au curé d’intervenir. Grâce à son savoir et son pouvoir, il fait apparaître le diable, puis, en songe, il semble découvrir la vérité : l’homme étrange est un fantôme, une âme du purgatoire qui accomplit une pénitence. Il faut lui remettre son bonnet. Mais Joséphine se montre incapable de faire le geste approprié.

C’est son amant, de retour après trois ans, qui parvient à remettre le bonnet au fantôme qui, de son côté, lui raconte calmement sa vie sur terre et sous terre, les raisons de sa pénitence (il avait commis un sacrilège en se déguisant en curé – d’où la figure du bonnet qui représente le sacré profané) et qui lui dit ce qu’il faut faire (une infusion naturelle) pour soigner la pauvre Joséphine. À la fin, les deux jeunes gens se marient et sont heureux.

Références

Cette légende prend la forme d’un véritable conte de « fées » de type merveilleux chrétien, sauf que la fée est remplacée par un doux fantôme qui fait d’abord obstacle au bonheur des jeunes gens avant de le leur accorder indirectement en prescrivant une ordonnance naturelle, une infusion de la plante – sans doute de la pulmonaire – qui se trouve au pied de sa tombe.

Surnature et Nature se trouvent ainsi conjoints dans ce récit qui véhicule certains des principaux éléments et des enseignements de la religion catholique. Il y a d’abord le péché commis par le fantôme, faute qui est la raison même de son errance, car il doit réapparaître avec le bonnet du curé pendant trente ans sur le parvis de la même église avant d’avoir droit au repos éternel. Puis il y a la faute, moins grave, de la jeune fille frivole qui se moque du fantôme et qui doit, elle aussi, payer pour cela. Enfin, Dieu, par le truchement du curé, intervient dans le récit, au cours d’un affrontement épique avec le diable, afin de faire triompher le bien et le vrai.

Mais le plus étonnant, pour un lecteur d’aujourd’hui, survient en fin de récit, lorsque le preux chevalier – car il y a aussi du genre chevaleresque dans ce texte – redonne son bonnet au fantôme, comme s’il s’agissait non pas d’une action extraordinaire avec un être surnaturel, mais d’un geste relevant de la routine quotidienne. Après la remise du bonnet, les deux se rendent dans un cimetière où ils discutent calmement comme si tout cela était parfaitement naturel. Le jeune homme dit même au fantôme : « [V]ous êtes content comme un fantôme qui a fini sa pénitence ; c’est tout naturel ». Et le fantôme remercie le « bon jeune homme », en lui disant que sa pénitence est « maintenant terminée grâce à [son] courage ».

Cette légende fait partie du chapitre 13 des Mémoires d’Aubert de Gaspé, dont il constitue une longue finale. [MLo]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 23-25.