À propos de cette édition

Éditeur
Jules Fournier
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Action, vol. I, n˚ 34
Pagination
2
Lieu
Montréal
Date de parution
02 décembre 1911

Résumé/Sommaire

Décidés à construire un pont sur la rivière qui coupe leur village, les habitants de Batiscan demandent des fonds à la municipalité. Faute d’argent pour terminer la construction, ils se tournent vers le premier ministre qui acquiesce à leur demande. Toutefois, un différend avec les responsables du chantier, puis une grève des ouvriers empêchent la conclusion des travaux. Exaspéré, le premier ministre en appelle de façon irréfléchie au diable pour achever le pont. Le diable accepte en échange d’une âme.

Commentaires

Il existe plusieurs versions de ce conte dans lequel le diable prête son concours pour construire un pont – plus souvent, il s’agit d’une église – à la condition qu’il puisse s’emparer de l’âme de la première personne qui va franchir le pont.

Ici, Hugo de Saint-Victor – un pseudonyme qui cache probablement un journaliste de L’Action – détourne la version originale conçue à des fins édifiantes pour en faire une satire qui ridiculise la classe politique, au premier chef la figure de François Langelier, le lieutenant-gouverneur du Québec au moment de la parution du texte. Existait-il un différend entre le premier ministre du Québec Lomer Gouin et Langelier ? Toujours est-il que Gouin délègue au lieutenant-gouverneur l’honneur d’être le premier à traverser le pont. « Mais en s’apercevant qu’il avalait un Langelier, Satan fit une telle grimace de rage et de dépit, que la charpente métallique fondit sous le feu de sa colère. »

Tout incite à recevoir « La Légende du Pont du Diable » comme un exercice jouissif de règlement de comptes qui puise son carburant dans l’actualité et les mœurs politiques. Ainsi, quelqu’un suggère malicieusement de confier la construction du pont à la Phoenix Bridge Co., compagnie responsable de l’érection du pont de Québec qui s’écroula en 1907 !

C’est aussi, il me semble, un joli coup de chapeau au journalisme de combat utilisant la satire comme arme incarné nommément dans le texte par Henri Bourassa, Olivar Asselin et Jules Fournier, ce dernier étant, comme par hasard, directeur de L’Action. Le lecteur se trouve davantage ici sur le terrain de la joute politique que devant une mise en garde dictée par les valeurs catholiques, le diable n’étant, au fond, qu’un faire-valoir doublement floué. [CJ]