À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Fantasy
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 130
Pagination
5-12
Lieu
Prouxlville
Année de parution
1999
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dans la vieille Angleterre d’Henri VIII, la magie s’est développée au point de donner naissance à une nouvelle forme d’art : l’anxitecture, « mariage harmonieux de la peur et de la pierre ». William Oxfrey, chassé de Londres par son père, se voit contraint de jouer la boniche pour maître Russell, mage et anxitecte. Pétri d’ennui, le jeune homme ne rêve qu’à une chose : retourner dans la capitale anglaise. Pendant la visite d’une maison hantée, Russell est victime d’un accident. Oxfrey évite délibérément de venir à son secours. Persuadé de la mort de son patron, le jeune homme retourne à la demeure de l’anxitecte pour le voler. Incapable de trouver l’argent, Oxfrey persiste à rester sur place et à continuer sa fouille. Mais Russell réapparaît vivant et la maison se charge de venger le propriétaire des lieux.

Commentaires

Grand gagnant du prix Solaris 1999, « La Maison de l’anxitecte » est un texte original et rafraîchissant. Éric Gauthier a construit une nouvelle au fantastique moderne, basée davantage sur un certain nihilisme que sur les grandes orgues de l’horreur contemporaine où le couperet du boucher n’est jamais très loin. La mise à mort viendra mais presque sous la forme d’une excuse : « Je me suis trompé sur ton compte », dira l’anxitecte. La victime de répondre : « Et moi sur le vôtre, dit William avec un sourire gêné. » Simple malentendu, accident regrettable, la rencontre d’Oxfrey et de son bourreau aura toutes les apparences d’un fait divers absurde, la fatalité qui s’exerce avec gratuité pour frapper un malheureux passant. Même le geste final qui vient dans toute son horreur clore le texte ne dévoile que la banalité de l’événement. Le sort réservé au jeune homme ne sera pas différent de ceux connus par les autres malfaiteurs qui ont osé s’attaquer au mage.

L’Angleterre décrite par Éric Gauthier est un simple décor, un monde parallèle où la magie cohabite sans problème avec le pouvoir et l’ordre social. Au service des mieux nantis, elle s’est embourgeoisée pour devenir l’expression d’une décrépitude morale dont Oxfrey est le pur produit. Qui est cette personne ? La magie se déchaîne autour de lui et il réprime avec peine un bâillement. Homme à tout faire mais surtout à rien faire, il est le fils en fuite, celui par qui vient le désordre. Au contraire, Russell réunit toutes les séductions du père (le corps mutilé qui s’offre vulnérable) et tous ses pouvoirs (créer, mais aussi tuer), un ordre implacable qui se dresse pour imposer sa loi. Image terrible qui poursuit Oxfrey et qui se condense dans l’image monumentale et symbolique de la maison : « La taverne était un assemblage précaire de poutres et de planches vermoulues. » Métaphore du corps, la maison devient par le concept de l’anxitecture un objet artistique, une extension de la séduction exercée par le père envers le fils (la scène où Russell exhibe une jambe « où la chair et le bois s’entremêlaient »).

Avec « La Maison de l’anxitecte », Éric Gauthier a réussi l’exploit d’écrire une nouvelle conforme à une certaine tradition du fantastique mais dont les assises sont suffisamment modernes pour y donner un souffle nouveau. Un prix Solaris amplement mérité. [ML]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 75-76.

Prix et mentions

Prix Solaris 1999